Centrafrique : De la crédibilité et la sincérité des accords de paix entre groupes armés
Bangui, le 27 décembre 2017.
Par : Fred Krock, CNC.
Personne ne peut en compter exactement le nombre des accords signés ci et là, tantôt entre Anti-balaka et Séléka, tantôt entre factions Séléka tantôt entre factions anti-balaka. Il aura bien fallu s’arrêter un jour pour faire le bilan ! Il est bien négatif, ce bilan. Les paisibles populations de l’arrière-pays sont assujetties aux sévices et violences de tout genre au quotidien perpétrés par les signataires desdits accords. Pourtant, ces accords visent exactement la cessation des violences… Et quoi donc de plus normal et de sincère ?
« Lorsqu’on interroge les responsables de ces groupes armés, tous parlent de la paix sur leur lèvre », ainsi confiait un religieux membre de la délégation du Cardinal Dieudonné Nzapalainga qui a effectué avec lui, la grande tournée pastorale dans la préfecture de la Ouaka, la semaine dernière. Et de s’indigner par la suite, larme aux yeux, qu’« en réalité, ils ne cessent de martyriser la population. Nos compatriotes souffrent dans les provinces ».
Et, l’on s’interroge sur la sincérité de ces chefs de groupes armés, ainsi que la clairvoyance des autorités centrafricaines. Le peuple est-il sacrifié dans un complot entre groupes armés et les dirigeants ? Quant à la Minusca, personne ne peut compter avec elle, étant donné son laxisme, son affairisme, voire sa complicité avec certains groupes armés. Au-delà tout, les populations continuent de subir les affres des groupes armés sans doute en prédation des richesses du pays. D’ailleurs, il est établi que le diamant, l’or, le café, le bétail et autres richesses sont maintenant cités comme causes d’occupation d’espaces par ces groupes armés et donc, sources de conflits permanents avec des conséquences désastreuses non seulement sur l’économie, mais sur la quiétude de la population.
Un record d’accords de paix
Tantôt « accord de cessez-le-feu » ; « pacte de non agression » ; « accord de paix » ; « accord de cohésion sociale » ; « accord du vivre ensemble »…, personne ne peut en compter exactement le nombre entre 2013 et aujourd’hui. Ces accords sont signés souvent sous les auspices des autorités et/ou de la Minusca. D’une part, ils se signent entre des grands ensembles criminels, Séléka et Anti-balaka, soit entre factions internes d’un même mouvement. Pêle-mêle, il y a le pacte signé au Km5 ayant abouti à la libération de l’accès au cimetière musulman de Boeing ; la signature à Mbrès de l’accord ayant mis en place la coalition FPRC-RPRC-MPC-Antibalaka pour combattre l’UPC de Ali Darass ; récemment, il y a l’accord signé entre le FPRC d’Abdoulaye Hissen et Antibalaka de Gaëtan Boadé à Ippy ; l’accord entre le FPRC et l’UPC ; le dernier en date est l’accord signé entre les Anti-balaka de Bouar et les 3R du rebelle camerounais Abass Sidiki.
Seulement, l’on est en droit de s’interroger, en quoi a servi cette pléthore d’accords s’ils sont automatiquement violés ? Pour le cas d’Ippy par exemple, l’accord entre le FPRC et la faction anti-balaka de Gaëtan n’aura duré que le temps de feu de paille. Les affrontements qui ont immédiatement suivi cet accord laissent encore sinistre la ville d’Ippy où de nombreux innocents ont été massacrés.
C’est pratiquement le même comportement que ces chefs rebelles adoptent vis-à-vis de l’Etat centrafricain. Puisqu’on se souviendra qu’il y a plusieurs accords signés, parfois à l’initiative de la communauté internationale et/ou des pays amis de la RCA mais qui n’ont pu avoir d’effet escompté. Entre autres, l’Accord de Libreville ayant permis l’entrée au gouvernement de la Séléka ; l’accord de Ndjamena mettant en place le CNT dirigé par Samba Panza ; l’accord de cessation des hostilités de Brazzaville ; l’accord de Nairobi ; l’accord DDR signé en marge du Forum national de Bangui ; l’accord de Sant-Egidio et plus récemment l’initiative de l’Union africaine en cours d’exécution.
Toujours, les violences ne faiblissent pas. Les populations toujours sous le joug des groupes armés et l’autorité de l’Etat mise à mal, se limite à certains quartiers de Bangui.
Des dupes y croient encore…
Malgré ces entreprises infructueuses de signatures d’accords, la Minusca et les autorités centrafricaines y croient à la grande désolation des populations. La mission de l’Onu en Centrafrique, Minusca a été, par exemple, la toute première à « saluer » le dernier accord entre 3R et Anti-balaka de Bouar. Cependant, le quitus donné par la Minusca peut aisément se comprendre du fait que cette force brille dans la manipulation et le déni de la réalité, tout simplement pour oindre son image et profiter encore des moyens mobilisés par la communauté internationale au service du peuple centrafricain.
Ce qui est aberrant, c’est que les autorités centrafricaines s’accommodent également de cette ahurissante démarche improductive. Non seulement elles ne condamnent pas véritablement les multiples violations des accords signés au nom de la paix, mais elles encouragent les groupes armés sur cette voie. Plus récemment, c’est le Ministre de la sécurité publique qui s’exhibe sur une photos prise avec un criminel de Abass Sidiki sur son propre compte Facebook, alors qu’il était question de traquer ces rebelles sévissant à Bocaranga et libérer des Centrafricains pris en étau. Cela n’aurait pas suffit à ce ministre qui laisse un Abdoulaye Hissen, aujourd’hui en tête de liste pour passer devant la CPS, intervenir (en direct) sur les ondes de la radio nationale pour, dit-il, parler de la « paix ».
De quoi faire croire que le peuple centrafricain est victime d’un double complot, notamment au niveau national alimenté par ses autorités, puis au niveau international piloté par la Minusca. Et l’armement des FACA par la Russie servira à quoi, s’il n’y a pas véritablement une volonté politique de neutraliser tous ces bandits ?
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