En République centrafricaine, l’argent liquide règne toujours en maître. Des marchés bondés de Bangui aux villages isolés près du fleuve Chari, les transactions quotidiennes reposent presque entièrement sur la monnaie physique. Pourtant, un changement est en cours. Les services d’argent mobile, auparavant limités aux transferts de crédit téléphonique de base, deviennent plus performants. Avec la croissance de services comme Orange Money et MoMo, même les personnes sans compte bancaire ont un nouvel accès aux services financiers. Ce changement n’est pas mené par les banques ou les ministères. Il est façonné par la nécessité, par les personnes longtemps exclues de l’économie formelle.
Au cours des cinq dernières années, l’expansion des réseaux mobiles a fait plus que connecter les gens par des appels ou des SMS. Elle a ouvert la voie aux portefeuilles numériques, aux transferts de pair à pair et à l’épargne à petite échelle. Dans les zones urbaines, de jeunes entrepreneurs vendent désormais des produits en ligne, paient leurs fournisseurs via des plateformes mobiles et reçoivent les paiements de leurs clients sans jamais se rendre dans une banque. Ce changement discret est important dans un pays où moins de 15 % des citoyens ont accès aux institutions financières formelles.
À mesure que ces outils gagnent en popularité, les plateformes construites autour d’eux se développent également. Un exemple surprenant est le secteur des casinos en ligne. L’essor des portefeuilles mobiles a permis aux gens d’accéder à un casino en ligne sans contrôle d’identité depuis n’importe où avec un signal. Ces plateformes sans KYC ne demandent pas de vérification d’identité ni de justificatif de domicile. Les transactions s’effectuent via des cartes prépayées, des cryptomonnaies ou des transferts mobiles, contournant complètement les banques traditionnelles. Bien que ces sites opèrent souvent en dehors de la juridiction légale de la RCA, ils gagnent en popularité grâce aux publicités sur les réseaux sociaux et au bouche-à-oreille. Les joueurs doivent cependant vérifier la légalité de ces sites dans leur pays.
Ce type d’accès apporte à la fois liberté et risque. D’une part, il permet aux gens de participer à un système mondial depuis leur téléphone. D’autre part, l’État dispose de peu d’outils pour suivre ou réglementer ces plateformes. La plupart sont hébergées à l’étranger, hors de portée des autorités financières de la RCA.
Les mêmes défis existent avec la cryptomonnaie. En 2022, la RCA a surpris le monde en adoptant le Bitcoin comme monnaie légale, devenant le deuxième pays à le faire après le Salvador. Le gouvernement a promis le lancement du Sango Coin, une monnaie numérique nationale construite sur la blockchain. Ces annonces ont fait les gros titres, mais les progrès ont stagné. La compréhension locale du Bitcoin reste faible. L’infrastructure pour l’utilisation des cryptomonnaies est presque inexistante. L’électricité est peu fiable et la pénétration d’Internet est parmi les plus faibles d’Afrique. Pour la plupart des citoyens, ces outils numériques restent éloignés de la vie quotidienne.
Pourtant, un nombre croissant de Centrafricains sont curieux. Ils voient comment ces outils fonctionnent ailleurs. Ils lisent des articles sur le prêt entre particuliers, les groupes d’épargne numériques et les transferts de fonds internationaux envoyés via des applications. Certains expérimentent avec des plateformes de trading forex basées sur mobile ou des portefeuilles crypto. Leurs efforts sont souvent risqués, mais ils sont motivés par le même besoin qui motive de nombreuses décisions ici : la survie.
Les banques locales restent hors de portée pour la plupart des gens. Les frais élevés, les exigences d’identification et le manque de succursales à proximité éloignent les citoyens. Dans cet écart, les outils financiers mobiles ont commencé à prendre racine. Orange Money, par exemple, permet désormais aux utilisateurs de payer leurs factures de services publics ou de recevoir leur salaire dans certains secteurs. Airtel Money propose des services similaires. Ce sont de petits pas, mais ils comptent. Ils représentent une évolution vers l’inclusion financière qui ne dépend pas des bâtiments ou des employés de banque. Elle dépend de l’accès à un téléphone et à un signal mobile.
Pourtant, le danger des systèmes non réglementés demeure. La fraude numérique est en augmentation. Les escrocs ciblent souvent les utilisateurs inexpérimentés avec de faux plans d’investissement ou des messages de phishing. Le manque de réglementation nationale rend les gens vulnérables. Les efforts pour introduire des lois sur la protection des consommateurs numériques ont été lents. Les agences gouvernementales manquent de l’expertise technique ou des ressources nécessaires pour surveiller les plateformes en évolution rapide. Des partenariats avec des organismes de surveillance régionaux et internationaux pourraient aider, mais ils nécessitent une volonté politique.
Malgré les risques, de nombreux citoyens continueront de se tourner vers l’argent mobile et les plateformes en ligne. Non par choix, mais parce qu’il existe peu d’alternatives. Dans un pays encore en reconstruction après un conflit, avec une infrastructure fragile et un accès limité aux emplois formels, les gens emprunteront toute voie offrant une chance de gagner ou d’économiser. Cette voie passe de plus en plus par leurs téléphones.
Que cela conduise à l’autonomisation ou à l’exploitation dépendra de ce qui se passera ensuite. Pour l’instant, l’économie numérique en RCA reste un travail en cours. Elle est façonnée par la résilience, motivée par la nécessité et largement ouverte à l’influence de l’extérieur de ses frontières.