UN REGARD A 360° SUR L’ENTRETIEN DE       M. TOUADERA SUR LE PLATEAU DE FRANCE24 LE 03/11/2025

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UN REGARD A 360° SUR L’ENTRETIEN DE       M. TOUADERA SUR LE PLATEAU DE FRANCE24 LE 03/11/2025

 

UN REGARD A 360° SUR L’ENTRETIEN DE M. TOUADERA SUR LE PLATEAU DE FRANCE24 LE 03/11/2025

 

Rédigé le 11 novembre 2025 .

Par : un contributeur de Corbeaunews-Centrafrique (CNC). 

Depuis 2016, la trajectoire politique, de mon pays, la Centrafrique s’est durcie : recentrage du pouvoir à la présidence, affaissement des contre-pouvoirs et dépendances sécuritaires externes. L’interview de M. Faustin-Archange TOUADERA à France24 expose un récit d’un “ordre retrouvé” – élections « transparente(s), sécurisée(s) et paisible(s) », DDR « historique », détente diplomatique – qui contraste avec les analyses et faits discutés. La présente note est le fruit de ma modeste réflexion et un regard à froid sur cette entretien…                                                                                                      

 

 

Ai-je bien compris la profondeur des propos du président ?

Voici ma lecture serrée de cet entretien…

 

CE QUE DIT L’ENTRETIEN (ET CE QUE CELA VAUT)

 

De l’organisation des élections de la diplomatie

  • “Le 28 décembre, l’ANE organisera des élections sûres, transparentes et paisibles.”
    C’est l’affirmation centrale du président (« …de manière transparente, sécurisée et paisible… »)

 

Or un Expert indépendant de l’ONU, M. Yao AGBETSE a, le 26 juin 2025, alerté sur les « sérieux obstacles opérationnels » de l’ANE et mis en doute sa capacité à tenir les délais et les standards requis (logistique, inclusivité, sécurité). Il faut rappeler que dans un scrutin, il faut 15mn à l’électeur lettré pour voter. Un illettré a besoin de 20 à 30 mn pour un scrutin, donc pour 4 scrutins, il faut 1h par électeur dans l’arrière-pays. A cela s’ajoute la question de l’identité des électeurs car en province on ne délivre pas l’actes de naissances depuis les années blanches. Pire les candidats sont binationaux dans la plupart… d’où problème. Combien de personnes auront vite avant 17h avant le décompte des voix à 18h sans lumière, pas d’électricité ???

 

De plus, l’opposition démocratique (plateforme BRDC) a annoncé boycotter le quadruple scrutin du 28 décembre 2025 en dénonçant un processus « verrouillé » – exactement l’objection que l’interview évacue.

 

Qualifier l’opposition de “non constructive” parce qu’elle refuse de participer à des élections truquées d’avance est un sophisme autoritaire.

 

L’affirmation que “cette opposition n’est pas suivie par la population” est contredite par les manifestations réprimées et l’espace politique rétréci.

 

Son indifférence – “ceux qui ne veulent pas participer, on n’oblige pas” – montre son mépris du pluralisme démocratique.

 

  • “Je tends la main, l’accord de N’Djamena d’avril 2025 est un tournant.” Une communication qui remplace la réalité.

Vous rappelez l’accord du 19 avril 2025 (UPC et 3R) et l’initiation du désarmement ‘’ …grâce à l’entremise du président Déby… ‘’.

Les faits : l’accord a bien été signé à N’Djamena le 19 avril et les deux groupes ont été officiellement dissous en juillet, avec des opérations DDR lancées mi-juillet et en octobre 2025 (UPC à Maloum ; redditions 3R appuyées par la MINUSCA). C’est un progrès réel, mais un progrès qui cache un agenda, autre que les intérêts de notre pays…
Mais, disant le, la réalité est fragile : factions 3R rivales se sont encore affrontées à Bozoum en juin (civils tués, milliers de déplacés), et des éléments de la CPC restent actifs.

Donc, présenter les accords de N’Djamena comme un succès alors que les violences persistent dans de nombreuses régions relève de la désinformation.

 

La mention de “11 groupes sur 14” désarmés est non vérifiée par les observateurs internationaux, qui documentent plutôt la recomposition des groupes armés.

 

Définitivement cette narration optimiste contraste avec les rapports de l’ONU sur la recrudescence des exactions contre les civils.

Bref : avancée tactique, pas de stabilisation stratégique.

 

  • “La coopération russe : on discute, pas de ‘pressions’, je n’en dirai pas plus.” Une souveraineté vendu et un déni de vassalisation

Dans l’interview, le M. TOUADERA élude (« …ce n’est pas sur votre plateau… »)

Or, depuis 2024-2025, Moscou pousse au basculement de Wagner vers “Africa Corps”, avec négociations financières et demande de contractualisation ; plusieurs enquêtes et dépêches décrivent ces pressions et l’entre-deux actuel sur le terrain. Ici il faut se rappeler que longtemps, le gouvernement ne voulait pas reconnaître s’être trompé avec Poutine qui avait envoyé Wagner, force non conventionnelle. Le même gouvernement a peur de remplacer Wagner par Africa Corp.

Parallèlement, des abus graves et un contrôle controversé de sites aurifères/diamantifères par des entités liées à Wagner persistent (Ndassima, Lobaye Invest, etc.).

La non-réponse (ou refus de clarification) présidentielle sur Africa Corps relève moins de la « courtoisie » que d’un déficit de transparence sur un enjeu souverain clé. Elle confirme que la RCA est devenue un protectorat mercenaire.

 

Sa colère feinte quand on évoque les “pressions” russes trahit un complexe d’infériorité et une paranoïa caractéristique des régimes dépendants.

 

L’affirmation “nous sommes un pays fragile” qui accepte toute aide est la capitulation assumée de sa souveraineté nationale.

  • “Avec la France, nous avons renoué et tout va très bien.” Un double jeux diplomatique soit un opportunisme cynique.

Oui, feuille de route bilatérale validée à l’Élysée le 17 avril 2024, et reprise de coopérations ciblées ; Paris a même rouvert des appuis techniques/financiers.

Mais ce réchauffement n’efface pas l’empreinte russe (militaire, sécuritaire, minière) ni les inquiétudes démocratiques internes.

Après des années d’anti-français virulent instrumentalisé par Wagner, le soudain “les choses se passent très bien” avec Macron révèle un opportunisme sans principe. Après avoir insulté la France, après avoir traité la France de tous les noms, il revient aux bons sentiments et comme la France a des problèmes structurelles et diplomatiques, elle mobilise  ORANO et les autres au détriment du payeur d’impôt en France

 

Son “je ne suis l’otage de personne” sonne particulièrement faux quand on connaît le contrôle exercé par les mercenaires russes sur les mines et les institutions.

 

 

Bilan depuis 2016 : gouvernance, État de droit, dérive autoritaire

  • Révision constitutionnelle (30 juillet 2023), une autocratie masquée : suppression des limites de mandats, mandat porté à 7 ans, création d’une vice-présidence nommée, affaiblissement du contrôle parlementaire sur les contrats miniers, recomposition de la Cour constitutionnelle. Validation des résultats malgré boycott et contestations. C’est une concentration de pouvoirs conforme à une personnalisation du régime.

Le tout intervient après la révocation de la présidente de la Cour constitutionnelle, Danièle Darlan, en octobre 2022 – signal majeur d’atteinte à l’indépendance de la justice.

  1. TOUADERA esquive honteusement en invoquant “on ne peut pas savoir ce qui se passe dans 7 ans”, alors qu’il a personnellement piloté la révision constitutionnellepour conserver le pouvoir.

 

Son accusation “infantilisation” de la Centrafrique, mon pays, est particulièrement hypocrite venant d’un leader qui traite son peuple comme des enfants en refusant toute alternance démocratique.

 

Cette manœuvre s’inscrit dans la tradition des dictatures constitutionnelles africaines qu’il prétend pourfendre.

 

Qualifier l’opposition de “non constructive” parce qu’elle refuse de participer à des élections truquées d’avance est un sophisme autoritaire.

 

L’affirmation que “cette opposition n’est pas suivie par la population” est contredite par les manifestations réprimées et l’espace politique rétréci.

 

Son indifférence – “ceux qui ne veulent pas participer, on n’oblige pas” – montre son mépris du pluralisme démocratique.

Espace civique et médias : la Centrafrique reste classée 72ᵉ/180 à l’Index RSF 2025 (score 60,15) – loin d’un environnement libre et sûr pour la presse.

Ressources & intégrité : la RCA a été temporairement suspendue de l’EITI fin 2024, ce qui interroge la transparence du secteur extractif (déjà sous influence d’acteurs russes liés à Wagner).

 

Le verdict final sur l’interview : éléments de langage vs. faits

  1. Élections “sûres et transparentes” : l’affirmation est faiblement crédible au regard des signaux d’alerte de l’ONU, des incohérences de l’ANE, des contradictions sur la nationalité des candidats, du nombre fictif des électeurs car sans preuve de centrafricanité et du boycott de l’opposition. La confiance dans l’ANE ne se décrète pas ; elle se démontre.
  2. Accord DDR “historique” : oui, utile, mais partiel et réversible. Le pouvoir survend sa portée.
  3. Russie/Africa Corps : l’esquive publique masque une réalité de pressions et de contreparties – sécurité contre rentes minières – qui mine la souveraineté qu’on revendique.
  4. “Nous relevons la tête” sur l’économie et le social : le diagnostic officiel ne cadre pas avec les indicateurs (croissance molle, pauvreté massive, besoins humanitaires élevés). Narratif optimiste, réalité austère.
  5. Gouvernance/État de droit : la réforme constitutionnelle + la mise au pas de la Cour constitutionnelle = dérive hyper-présidentialiste. Régression démocratique, même si l’emballage reste électoral.

 

En bref, depuis 2016, la Centrafrique a centralisé le pouvoir exécutif, affaibli des contre-pouvoirs clés, externalisé sa sécurité et peu amélioré la condition sociale moyenne. L’interview défend un récit d’“ordre retrouvé” et de “coopérations apaisées”, mais les indicateurs (État de droit, transparence extractive, pauvreté, dépendance sécuritaire) racontent plutôt une normalisation de la dérive autoritaire sous vernis électoral et des reculs socio-économiques persistants.

 

Par : monsieur A. T. BENGUEWE DAMARAS

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