Sommet US-Africa : Bonne initiative d’ Obama mais mission plus ou moins difficile

Publié le 19 août 2014 , 10:33
Mis à jour le: 19 août 2014 10:33 pm

Sommet US-Africa au États UnisCorbeau news ( Bangui ) 20-08-2014 //  Sommet US-Africa , permettez-moi de le qualifier ainsi, c’est le plus grand et beau rendez-vous de l’année 2014 qui a suivi la coupe du monde  déroulée au Brésil où les résultats des équipes africaines étaient au-dessous des attentes des amoureux du football. On ne reviendra pas là-dessus, mais le public continental et les dirigeants africains qui étaient collés aux téléviseurs et écrans géants grâce aux promoteurs du ballon rond doivent tirer les leçons de cet échec lamentable et se préparer en conséquence pour les prochaines compétitions internationales et mondiales.
Revenons aux choses sérieuses qui engagent l’avenir du continent africain qui tient la queue des cinq continents de la planète. Pays sous-développés, Pays Pauvres Très Endettés (PPTE), autrefois les tiers-mondistes, c’est comme ça que les pays occidentaux les plus riches nous appellent, avec un regard qui lorgne nos richesses minières.
Le premier président noir des Etats-Unis d’Amérique, Barack Obama, vient d’inviter les nôtres avec leurs épouses au 1er sommet USA-Afrique qui s’est tenu à Washington à la maison blanche, où nos chefs d’Etat étaient reçus avec tous les honneurs. Quatre pays africains dont le Centrafrique pour sa situation sécuritaire et humanitaire indésirable a été exclus de cette messe géostratégique dont les enjeux économiques et commerciaux sont d’envergure. En prélude, Barack Obama qui croit au développement de l’Afrique à travers le respect des règles démocratiques et la bonne gouvernance s’est entretenu d’abord, avec les jeunes leaders africains invités par l’Etat américain sur la problématique de leadership. Les principes de la bonne gouvernance et des droits de l’homme ont fait l’objet des débats intéressants et enrichissants qui auraient galvanisé la jeunesse africaine et canalisé l’esprit d’ouverture vers une politique idéale de la transparence, de la gestion rationnelle de la chose publique et la solidarité mondiale. Toutefois, les intérêts économiques et commerciaux dans un partenariat équilibré constituent l’épicentre des discussions.
Face à face avec le président américain qui ne mâche pas les mots, les chefs d’Etat africains avaient devant eux, toutes les équations posées qu’il faut résoudre avec intelligence et sagesse s’ils ont la volonté de faire émerger l’Afrique. A savoir, les problèmes de mal gouvernance et de corruption qui minent l’administration africaine soulevés par Obama, et qui leur ont toujours été reprochés par les médias nationaux, la FIDH, le RSF et les ONG nationales des droits de l’homme. A propos, nos chefs d’Etat ont toujours joué au sourd pour coller éternellement leurs fesses au fauteuil qu’ils occupent, en passant par le hold up électoral, le bourrage des urnes pour gagner les élections haut la main à un pourcentage truqué qui donne des vertiges. D’autres ont battu le record en nombre de mandat et se passent tacitement pour des chefs de terre et non président de la république, d’un Etat de droit où les droits humains doivent être respectés. En survolant ce dossier lourd qui doit être traité par les africains eux-mêmes en prenant des décisions populaires d’urgence et efficace, le problème le plus intéressant qui préoccupe Obama et l’Etat américain est l’investissement des capitaux américains dans le secteur beaucoup plus privé que public sur le continent et la lutte contre l’insécurité et le terrorisme devenue une priorité mondiale. Continent de 800 millions d’habitants, l’Afrique, malgré ses nombreuses crises politico-militaires ces dernières années, est devenue un marché porteur pour la croissance du monde et à la fois le nid des terroristes. Quel défi ? Face aux sommets France-Afrique et Chine-Afrique, le pays de l’Oncle Sam veut se rattraper de la course,  voire sortir vainqueur et le rester de cette guerre froide économique qui ne dit pas son nom. Pour conserver sa suprématie mondiale, 33 000 milliards de dollar US soit 16 500 milliards de fcfa ont été décaissés par l’Etat américain pour des investissements tous azimuts en Afrique. La défense va certes absorber une bonne partie de cette somme monstre à cause de l’inefficacité des armés africaines et les difficultés auxquelles elles sont confrontées face à la rébellion et au terrorisme. Ce danger fait peur aux présidents africains non démocrates qui ne veulent pas perdre leur pouvoir. Mais quels pays qui sont éligibles et qui ne le sont pas pour pouvoir bénéficier de ce pactole en fonction des projets bancables? Cette nouvelle coopération afro-américaine  au cours du deuxième mandat de Barack Obama dépend maintenant, je crois, des africains eux-mêmes s’ils veulent le développement de l’Afrique. Des intellectuels africains et opérateurs économiques doivent s’unir pour élaborer des projets de développement que l’Afrique a besoin pour avancer. A savoir séduire leurs homologues américains à investir dans les secteurs de l’énergie, de la télécommunication, de l’agriculture, de la santé, de l’éducation et de la sécurité qui doit être la priorité des priorités, car, l’Afrique en général est en danger permanent depuis trois décennies. En plus l’épidémie Ebola qui vient de frapper sans pitié, nos Etats sont impuissants devant les crises sociales et les phénomènes Boko Haram, Al Shibbab, ndjandjawid, jihadiste, Séléka et Antibalaka.
L’Afrique, évidemment, qui est à la recherche des investissements occidentaux est grippée pour sa maladie incurable qui est la mal gouvernance. Elle ne bouge pas comme une voiture garée ou un camion amorti sur cale. Avec France-Afrique, rien n’a marché. Si oui, c’est le rendez-vous pour sauter des champagnes après le bavardage amical entre chefs d’Etat d’Afrique et de France. Les africains n’ont pas encore tiré profit de ce rendez-vous des francs-maçons où la France est le dictateur et le gendarme. Je peux dire que c’est la classe des élèves face à leur maître. Le sommet Chine-Afrique initié depuis 2008 par le pouvoir central chinois n’a pas encore fourni grand-chose sur le continent mais les infrastructures poussent comme des champignons au rythme de blues. Tout au moins la Chine s’est mise à contribution pour le chemin du développement en Afrique contre des exploitations minières et pétrolières, en construisant des routes, barrages, stades et théâtres de verdure. Sur le plan commercial, la Chine puissante a inondé le marché africain avec  des articles qui mettent en difficulté les entreprises européennes. L’Europe perd progressivement sa place sur le continent mais s’y accroche quand même à cause des amis qu’on a installés au pouvoir. La concurrence devient rude. Beaucoup d’opérateurs économiques européens ont mis la clé sous le paillasson suite aux crises militaro-politiques. Les géants tels que Bolloré, Total, Areva et autres qui appuient des coups d’Etat et rébellions en Afrique se sont imposés où elles tirent beaucoup plus les bénéfices de leur politique commerciale qui freine la progression économique de l’Afrique.
Cette coopération agissante chinoise est aujourd’hui source de conflit avec la France qui a la main basse sur le pétrole et les gisements miniers dans la plupart de ses colonies. Rien ne bouge en Afrique puisque la guerre est organisée sur le plan international pour appauvrir davantage les Etats africains en pillant leurs richesses. Il va sans dire que les crises ivoirienne, malienne, libyenne et centrafricaine sont les résultats de cette mauvaise politique entretenue par France-Afrique.
Ce premier sommet US-Afrique initié par Barack Obama au moment où la croissance économique africaine est en berne donne à réfléchir sur les critères d’éligibilité. Qu’on ne se trompe pas de vue que les investisseurs américains privés qui sont bien impliqués dans cette nouvelle perspective  US-Africa connaissent  l’Afrique et tout doit se passer dans la transparence absolue et dans un climat sain. L’Afrique doit d’abord faire sa toilette. C’est-à-dire réformer la plupart de nos justices qui sont corrompues et mener réellement la lutte contre le terrorisme, faire de l’antiterrorisme la priorité des priorités pour pouvoir bénéficier de ce fonds américain. Personne ne dira le contraire de mon constat. Presque toute l’Afrique est aujourd’hui asphyxiée par l’insécurité avec le phénomène Boko Haram au Nigéria qui prend de l’ampleur dans la sous-région de l’Afrique de l’Ouest, le phénomène séléka et antibalaka en Centrafrique qui contamine l’Afrique centrale, Al shibbab en Afrique de l’est qui opèrent dans les pays des Grands Lacs et les jihadistes en Afrique du nord. Les populations du continent majoritairement jeunes manquent cruellement d’emplois à tel point que les tableaux de la vie sociale en Afrique sont sombres à cause des grèves estudiantines et des fonctionnaires qui ne sont pas payés depuis des mois. Des coupures d’eau et d’électricité intempestives dans toutes les villes africaines sont les preuves incontestables de la mal gouvernance. Et la cherté de vie est criarde. Je crois, que le sommet US-Afrique donne l’opportunité aux économistes africains, banquiers, agronomes, informaticiens, artistes, journalistes et bien d’autres intellectuels pour qu’ils puissent mettre en synergie leurs connaissances et compétences pour agir en proposant des projets bancables à leurs nouveaux partenaires afin de booster la croissance. L’individualisme est une maladie qui tue.
Bonne initiative américaine qui va se mettre en concurrence avec la Chine et l’Europe sur le continent mais toute porte à croire que les chefs d’Etat africains semblent réfléchir autrement par rapport au sujet qui fâche, lequel soulevé par le président américain. A savoir, la modification de la constitution pour briguer un autre au de-là de deux mandats prévus dans la plupart des constitutions africaines. Le président burkinabé, Blaise Compaoré qui murit son projet référendaire a fait la réplique  en faisant allusion aux réalités africaines à tort. Mais quand on opte pour la démocratie, je crois, il n’y a pas une autre manière de gouverner que de respecter ses principes et la constitution de son pays. La révision ou la modification de la constitution qui défraie la chronique en Afrique ne sera pas l’une des conditionnalités pour bon nombre de présidents africains comme Denis Sassou Nguesso du Congo, Paul Biya du Cameroun, Joseph Kabila de la République Démocratique du Congo et Blaise Compaoré du Burkina qui appuient sur leur accélérateur. C’est pour dire que les pays où les principes de la démocratie sont foulés au pied ou en train d’être bafoués à travers des référendums constitutionnels, verront certes l’investissement américain que s’il y aura l’alternative politique. Si oui, avec des garanties d’investissement dans le secteur privé. Puisque notre démocratie est voilée par la dictature.
Je dirais pour ma part que le président Barack Obama se fait passer pour un bon chauffeur-mécanicien de la voiture africaine en panne et qui roule au ralenti depuis les crises qui s’intensifient sur le continent dues à la mal gouvernance et le manque de volonté politique de la plupart des dirigeants qui gouvernent sur la base du clanisme, le népotisme, le clientélisme, l’autoritarisme et le racisme. L’une des raisons que Robert Mugabé de Zimbabwé n’a pas été convié. Il y a même les pays qui, apparemment sont sur la voie de la démocratie, mais qui n’ont pas encore répondu aux attentes de leurs populations qui crient au voleur à chaque fois qu’il y a un scandale financier. Ceux-là aussi, ont peu de chance de voir la couleur de l’argent des investisseurs américains privés. Il va sans dire que l’affaire Karim Wade au Sénégal est un procès que les médias, la défense et l’homme de la rue qualifient de procès politique et qui peut freiner la volonté des opérateurs économiques américains vers Dakar si ce procès termine mal. Imaginez la suite. Ancien ministre d’Etat, le fils de l’ex-président Abdoulaye Wade était accusé pour enrichissement illicite. Ce dernier est en train d’être jugé par la Commission de Répression d’Enrichissement Illicite (Crei), au lieu de la Haute Cour de Justice pour d’autres. Depuis deux ans il croupit en prison sans preuve des faits qu’on lui a été reproché selon les informations. A propos de ce procès qui attire l’attention des médias nationaux et internationaux, bon nombre de dignitaires et hautes personnalités cités lors des deux premières audiences doivent comparaître, dont Me Abdoulaye Wade ancien président de la république, père de l’accusé et l’actuel président sénégalais MackySall. La défense de Karim Wade et certains observateurs de la vie politique de ce pays africain où la démocratie semble être un modèle s’interrogent déjà si ce procès ira jusqu’au bout. A la reprise du procès ce jour, le juge décide que la Crei a la compétence de juger l’accusé. Outre, des conventions seraient signées suite au sommet entre la délégation sénégalaise et l’Etat américain dans le domaine de la défense et la formation des cadres.
En effet, Barack Obama manifeste la bonne volonté pour l’Afrique mais les dirigeants africains qui persistent de ne pas quitter leur fauteuil présidentiel ne jouent pas au même diapason que le président américain. L’autre inquiétude pour la bonne marche de cette nouvelle coopération afro-américaine est l’après-Obama. Quelle politique le congrès américain va-t-il adopter vis-à-vis de l’Afrique ? Le nouveau président américain ou la nouvelle présidente qui sera élu en fin du deuxième mandat d’Obama va-t-il ou va-t-elle accélérer la cadence du développement de l’Afrique en multipliant ce fonds d’investissement? Autant d’interrogations liées à ce deal américain qui peut être un envol économique pour l’Afrique que si les africains eux-mêmes décident de renverser la tendance qui prévaut sur le continent. Je dirai en conclusion qu’il faut bien attraper le taureau par les cornes pour le terrasser afin de faire marcher la démocratie en Afrique.
 

journaliste politique et culturel
journaliste politique et culturel

Pierre INZA

Aucun article à afficher