RÉACTION DE L’ANCIEN MINISTRE ANICET PARFAIT MBAY
SUR LE PONT AÉRIEN HUMANITAIRE UE
En réfléchissant à la forme de mon annonce de cette année, je me suis dit qu’il était important de déroger à la formule annuelle et habituelle.
En effet, l’actualité m’oblige à réfléchir avec vous, si vous n’y voyez pas d’inconvénient, à deux sujets du moment.
Mon premier sujet de préoccupation a trait à cette polémique qui enfle autour d’un appui de l’Union Européenne à notre pays dans le cadre de la pandémie du COVID-19.
Dans le cadre de sa riposte contre cette pandémie, l’Union Européenne a choisi de venir en aide à certains pays africains. Le Cameroun, le Niger, le Burkina Faso et la République centrafricaine, ont été choisis pour cette première phase. Le pont aérien a commencé par Bangui. Bangui n’étant qu’une escale de deux heures.
Ce devrait être une chance pour ce pays déconfit par des années de conflits et destructions multiples d’accueillir une telle initiative.
Or, pour notre malheur, nous assistons sur les réseaux sociaux à un déferlement de théories complotistes, les unes plus délirantes que les autres, appelant à rejeter cette aide. Des lives en passant par les messageries, des messages pullulent pour inciter le peuple à ”la vigilance” sur cette aide qui, d’après ces conspirationnistes, serait délibérément empoisonnée. D’autres encore parlent d’armes, de munitions et de mercenaires déguisés en personnels d’ONGs.
Certes, les théories complotistes les plus absurdes ne sont pas l’anage du seul continent africain. Les plus grands conspirationnistes se recrutent surtout dans les grandes nations dites développées. Le gros problème, c’est que lorsqu’elles submergent l’Afrique et particulièrement notre pays, ces théories ont vite fait de télescoper une émotion souvent, pour ne pas dire toujours, irrationnelle. Au point de provoquer une amnésie collective.
Faut-il rappeler à nos complotistes locaux que depuis l’année 2013, l’Union Européenne n’a cessé de payer les salaires des fonctionnaires centrafricains? Que cette UE a dépensé des milliards de FCFA pour nous aider à remettre sur pied l’administration, l’armée, la gendarmerie et la police? Que la même UE a dépensé d’autres milliards en aides humanitaires diverses à travers les Fonds Békou et d’autres initiatives?
Qui a financé presqu’en totalité les élections de 2015/2016 ? D’ailleurs, qui va financer en grande partie les élections à venir ?
Pourquoi ces adeptes du complot ne refusent-t-ils pas l’argent et l’aide de l’Union Européenne en d’autres circonstances ?
De grâce! Cessons d’être les instruments de ces nouvelles guerres de positionnement géo-stratégique en expansion sur le continent africain.
Notre pays a besoin de tous les partenaires ouverts à travailler avec nous.
Oui à la vigilance pour combattre les anciens modes de fonctionnement des politiques de coopération ayant induit de mauvais axes de développement dans nos pays.
Seuls le bien-être et l’avenir de nos populations doivent désormais guider nos actions.
En Afrique, nous disons toujours que les vrais amis sont ceux qui sont restés à vos côtés dans les moments difficiles.
Le deuxième sujet concerne cette rude empoignade, par réseaux sociaux interposés, d’anciens dignitaires du pays. Par logique d’intérêts du moment, certains ont choisi leur camp et s’invectivent par différents canaux.
J’ai toujours pensé que le grand problème de ce pays était imputable à la qualité des femmes et des hommes qui ont occupé, à une époque ou une autre de notre histoire commune, des postes de responsabilités.
Sur tous les régimes sans exception, des tonnes et des tonnes de volumes de faits divers, mélangés à des anecdotes plus ou moins exotiques, pourraient être écrites. Mais aujourd’hui, nous touchons le fond de l’insignifiance et de l’indécence.
Quelle image ce spectacle digne d’une cour de récréation envoie-t-elle de la fonction de ministre de la République? Beaucoup pensent pourtant y voir des courageux, des hommes forts. Ah bon? Quelle image donnons-nous à nos compatriotes, à notre jeunesse ?
Lorsque vous êtes nommé ministre, les premiers documents qui vous sont remis lors du premier conseil des ministres sont votre décret de nomination ainsi qu’une copie du décret portant organisation, fonctionnement et du règlement intérieur du conseil des ministres. Certains les ont-ils lus ? Ou les ont-ils cédé aux vendeuses d’arachides grillés ?
Je souhaite dire à nos compatriotes qui seront un jour aux responsabilités dans ce pays qu’être ministre, ce devrait être un sacerdoce. C’est une étape de votre vie qui vous confère certes des droits mais aussi et surtout beaucoup de devoirs et beaucoup d’obligations, tout au long de votre vie.
Un ministre a plein droit d’écrire des ouvrages sur les différentes étapes de sa carrière. Un ministre peut écrire ses mémoires. Mais un ministre ne peut et ne doit, en aucun cas, mettre les verbatims du déroulement du conseil des ministres sur la place publique. En dehors des faits rapportés dans les comptes-rendus des conseils des ministres par le ministre chargé du secrétariat général du gouvernement. Et surtout lorsque ces verbatims sont délibéremment tronqués au service d’une gloriole.
Ce fait, usuel chez certains et qui constitue pourtant une violation flagrante des dispositions du règlement intérieur du conseil des ministres, est passible d’une auto-saisine par le procureur de la République et de poursuites. Si beaucoup dont moi-même n’ont pas jugé utile de répondre à certaines versions très romancées et relatées très complaisamment, ce n’est absolument pas par une quelconque faiblesse. Simplement, il se trouve encore (heureusement d’ailleurs) quelques-uns parmi nous qui respectent les obligations liées à cette fonction.
Ce qui sûr, c’est que nous sommes appelés à être des exemples et à tracer des voies pour notre jeunesse. Laquelle jeunesse, par simple dynamique de la pyramide des âges, prendra un jour les rênes de ce pays. Et le plus tôt serait le mieux, pour peu que cette jeunesse soit bien préparée.
Je disais que la gestion d’un pays se juge aussi par la qualité des femmes et des hommes appelés à occuper des fonctions de responsabilités. Notre pays est malade de la mauvaise utilisation des ressources humaines qui pourtant ne manquent pas, tant au niveau national que dans la diaspora. Mais çà, c’est un autre sujet.
Voilà chers amis. En ce jour qui rappelle ma venue sur cette Terre des Hommes, j’ai été un peu long mais je tenais à partager avec vous ces deux sujets qui me tenaient à cœur. En espérant que l’année prochaine, Dieu me permettra de fêter une année de plus sur les bords de l’Oubangui autour d’un bon poisson braisé.
Protégez vous, mes chers amis et mes chers compatriotes. Le Coronavirus est toujours là.
Singuila mingui.