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RCA: Un pays à l’avenir en pointillé ; une école en état de mort cérébrale

RCA: Un pays à l’avenir en pointillé ; une école en état de mort cérébrale

 

Monsieur Orphée Douaclé - Ketté
Monsieur Orphée Douaclé – Ketté

 

 

 

 

Bangui, 30 octobre 2023 (CNC) – Personne ne va contester que l’avenir de tout pays est intimément lié à l’état de son école.

Et, il n’est désormais un secret : la richesse de tout pays est liée à la qualité de la formation de l’Homme, où celui-ci, bien formé peut transformer les matières premières de son pays, en produits finis répondant aux différents besoins humains. Il en découle aisément que la première richesse de tout pays c’est l’Homme. Mieux, l’Homme bien formé par une école en phase ou en avance sur certains standards mondiaux.

 

 

En partant de ces réalités, le développement de tout pays et donc de la RCA également ne se fera par une autre voie que celle de l’école. Toute autre voie ou argument pour plaider le développement serait de la quincaillerie politicienne. Lorsque le développement est le premier choix dans un pays, c’est l’école qu’il faut améliorer dans ce qu’il faut apprendre ; les conditions dans lesquelles l’on doit apprendre et les moyens facilitant cet apprentissage.

Depuis des temps, l’école en Centrafrique dégringolait et faute de réaction, elle est, aujourd’hui, en état de mort cérébrale avancée.

Où en est l’école centrafricaine ?

Nous pouvons ne pas parler de l’état des bâtiments scolaires qui tombent en ruine où le lycée B. Boganda et le lycée d’Etat des Rapides sont les marqueurs de ce délabrement des établissements scolaires, sans émouvoir grand monde.

Cela est autant pour les établissements du fondamental I et des collèges. Tant à Bangui qu’en province ;

Nous pouvons ne pas parler du nombre pléthorique des élèves par classe où les chefs d’établissement inscrivent, à chaque rentrée, à tour de bras occultant la capacité d’accueil de leurs infrastructures à tel point que les élèves étudient à même le sol, et les plus chanceux se retrouvent debout pour suivre les cours. Un enrichissement outrancier au vu et su de tous, au détriment des élèves et leurs parents qui croient encore à la réussite par l’instruction ;

Nous pouvons passer outre le fait que les établissements ne disposent d’aucun dispositif hygiénique et/ou sanitaire. Ce que personne ne s’en émeuve de cette situation.

Nous pouvons encore ignorer, volontairement, le contenu des programmes scolaires qui n’ont été révisés depuis des lustres à telle enseigne que les enseignants dispensent les mêmes cours depuis des années et que les étudiants se contentent des fossiles. Surtout ceux de l’université. Suivez mon regard…

Nous pouvons ignorer pudiquement le fait que les élèves Centrafricains n’ont accès aux ordinateurs et que l’informatique et le numérique leur sont totalement inconnus. Pourtant l’école d’aujourd’hui tout comme celle de demain ne peut se passer du numérique ; plaider le manque de moyens serait de la mauvaise foi.

En dépit de tout ce que nous voulons occulter ou plaider l’école centrafricaine est en déliquescence totale.

Rien que pour la rentrée 2023, il y a eu 2, 3 voire quatre rentrées différentes. Entre celle des écoles privées, celle de l’éducation nationale et celle des écoles associatives et/ou religieuses.

Pourtant dans une république, l’égalité des chances est garantie par l’école. Et la rentrée symbolise cette égalité en ceci que tous les élèves commencent l’école le même jour. Ce n’est le cas en Centrafrique. Les enfants des nantis ont le droit de commencer l’école avant les autres moins bien lotis ; tout comme les enfants de Bangui qui commencent l’école avant ceux des provinces ; ceux des provinces proches de Bangui feront leur rentrée avant ceux des provinces reculées. Ainsi va la saga des rentrées en Centrafrique. Difficile d’attester, main sur le coeur, qu’aujourd’hui la rentée est effective sur l’ensemble du territoire.

Aucune structure pour évaluer le niveau de l’apprentissage et de la maîtrise des connaissances de base. Ce, des élèves Centrafricains entre eux déjà et par rapport aux élèves de la sous-région.

Les écoles en province sont assumées quasiment que par des « maîtres-parents ». Cela est devenu la norme acquise et acceptée comme une fatalité puisqu’aucune mesure n’a été prise pour résoudre ce constat malheureux.

L’école en Centrafrique est restée cloîtrée dans le travail individuel, alors que l’heure est à l’inclusion via des travaux de groupe, cci pour apprendre le partage des connaissances afin de tirer la quintessence d’un travail d’ensemble. Les stigmates de ce vieux schéma du loup solitaire se ressent même dans la manière de conduire les affaires du pays.

Nos besoins vitaux sont nos limites ; Quand ils sont menacés, il faut réagir

L’école n’est pas un sujet régalien

La première mesure à prendre pour sauver l’école centrafricaine de cette mort cérébrale est la prise de conscience : l’école n’est pas un sujet régalien, c’est-à-dire ce n’est pas un domaine réservé exclusivement à l’Exécutif.

L’école a été laissée à chaque pouvoir pour décider de son orientation. Pis, avec ce pouvoir où les tenants sont des enseignants et appelé ironiquement et cyniquement la « république des docteurs ».

Erreur monumentale. Être enseignant n’induit de penser l’école dans son orientation globale. La preuve, depuis avec ce pouvoir, l’éducation nationale bénéficie de cette stabilité où c’est la même équipe qui dirige ce département. Difficile de trouver trace d’une reforme susceptible de révolutionner l’école Centrafricaine et en faire le moteur du renouveau de ce pays.

Elle appartient à tous Centrafricains. Du pouvoir à l’opposition et même la société civile, tous sont concernés. Ce sujet ne doit être laissé aux seuls professionnels du domaine. C’est le seul sujet de tous les consensus.

Une fois accepté ce constat, la mise en place d’un Conseil consultatif d’orientation de l’éducation nationale réunissant les anciens formateurs du fondamental /jusqu’à l’université, les associations et certains corps de métiers. Cette structure aura deux missions :

Evaluer et faire des propositions sur l’orientation de l’école dans laquelle il serait temps d’inclure pleinement la formation ;

Harmoniser le travail des associations dans la collecte et répartition équitable des donations, à travers l’ensemble du territoire afin de réduire les inégalités persistantes.

Outre qu’il est à proposer la suppression de la classe de CPII et du concours d’entrée en sixième, il serait temps de réfléchir sereinement à l’introduction définitive et active du Sangô comme langue d’apprentissage jusqu’en CEII, le temps de la maîtrise des connaissances de base.

Ce ministère ne doit vivre que des donations, il doit bénéficier d’un budget conséquent si ce n’est le premier budget. Ainsi, des possibilités d’initier des actions pour libérer les énergies par la démocratisation des mathématiques et surtout la création d’une école de la seconde chance susceptible de recueillir tous ceux sortant du système scolaire sans qualification en favorisant et valorisant le travail manuel.

Ces mesures non exhaustives pourront réanimer cette école. C’est l’inertie qui serait fatale et pourrait entraîner la non-viabilité du pays.

Il est dit : « sans ambition il n’y a de talent ». Et le pays a besoin de talents pour se développer, et donc que son école ait de l’ambition.

 

Par Orphée DOUACLE KETTÉ
Observateur politique engagé

 

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