Les attaques rebelles paralysent la route qui relie le Cameroun et la Centrafrique
Bangui ( République centrafricaine ) – Saliou Mamadou slalome entre les camions stationnés dans l’enceinte de la gendarmerie de Garoua-Boulaï, ville camerounaise située à la frontière avec la République centrafricaine (RCA). Là, pointe-t-il, des impacts de balles ont moucheté la portière d’un poids lourd. Ici, c’est le siège avant qui a essuyé des tirs. Plus loin, un fourgon a été « fendu par un lance-roquettes ».
« C’était le 18 janvier, frissonne encore le jeune assistant chauffeur. On allait à Bangui lorsque des rebelles nous ont attaqués. J’ai eu la peur de ma vie, mais le conducteur et moi n’avons heureusement rien eu. » L’accrochage a eu lieu à Zoukombo, une localité située dans l’ouest de la RCA. Deux conducteurs ont été blessés et conduits à l’hôpital de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilité en République centrafricaine (Minusca). « Les rebelles ont exigé qu’on les paie avant de partir. Ceux qui n’avaient rien ont vidé leur réservoir d’essence », se souvient Saliou Mamadou./////////////.
Près de lui, Adam Boultou, président du Syndicat des chauffeurs professionnels du transport du Cameroun (Synprotcam), trépigne. « Lorsque la Minusca est venue, nous leur avons demandé par quel miracle les camions allaient arriver à Bangui alors que le corridor est bloqué par les rebelles depuis décembre 2020, raconte-t-il. Ils nous ont assuré qu’ils allaient sécuriser le convoi. Mais les camions n’ont même pas fait 50 kilomètres et ont été attaqués ». Depuis, M. Boultou et ses collègues d’autres syndicats de chauffeurs et de transporteurs ont pris une décision radicale : tant que le calme ne reviendra pas en Centrafrique, plus aucun camion ne quittera le Cameroun./////////////.
« Ça nous emprisonne sur place »/////////////.
Les combats qui ont éclaté en RCA à l’approche du scrutin présidentiel entre des groupes rebelles d’un côté et les troupes régulières et leurs alliés de l’autre ont poussé plus de 105 000 Centrafricains à fuir leur pays. Le corridor reliant le Cameroun à Bangui – principale route d’approvisionnement de la Centrafrique –, est toujours tenu par des groupes armés et donc impraticable./////////////.
D’après Ibrahima Ahmadou, vice-président local du Syndicat national des transporteurs routiers du Cameroun (SNTRC), pas moins de 1 500 camions « prêts à partir » sont ainsi garés entre Douala, la capitale économique du Cameroun, et Garoua-Boulaï. Parc, stades, cours de maison… Toute la zone frontalière a été transformée en parking. « Au moins huit camions transportant les oignons sont foutus. Pareil pour d’autres produits alimentaires périssables », s’alarme le syndicaliste qui chiffre les pertes globales à des centaines de millions de francs CFA. Et l’argent n’en finit pas de filer : certains transporteurs sont contraints d’investir dans l’achat de groupes électrogènes et de carburant afin d’alimenter les camions frigorifiques contenant des produits frais./////////////.
La situation est particulièrement pénible pour les chauffeurs et convoyeurs qui risquent leur vie depuis près de dix ans sur le corridor Douala-Bangui. Depuis plus d’un mois, beaucoup dorment sous leur camion sur des nattes ou des bouts de matelas étalés à même le sol. Leur lessive sèche sur des cordes tendues entre les véhicules. Par peur des vols, tout le monde est constamment en alerte. « Si tu perds la marchandise, tu risques la prison. Ton patron te l’a confiée. Ça nous emprisonne sur place », se plaint Hyppolite Foffe Mbouno, coincé à Garoua-Boulaï depuis le 16 décembre avec un chargement de pagnes./////////////.
D’après les témoignages que ce délégué du Syndicat national des conducteurs routiers du Cameroun (SNCRC) a recueillis, les employeurs « appellent juste pour s’assurer que leur camion est en bon état ». « J’ai vu des collègues vider l’essence de leur véhicule et le vendre pour s’acheter à manger », se désole Hyppolite, qui travaille sur le corridor depuis sept ans. Beaucoup ne perçoivent plus de salaire. « Le camion étant stationné, il n’y a pas d’entrée de recette. »/////////////.
« Populations affamées »/////////////.
Face à cette situation, le Bureau de gestion du fret terrestre offre aux naufragés des denrées alimentaires et des fûts d’eau, a construit des latrines provisoires. Mais, pour les chauffeurs, la seule solution reste la réouverture de la route. « C’est aux Centrafricains qu’incombe aujourd’hui la responsabilité de sécuriser le corridor », souligne Lionel Motassi, adjoint au sous-préfet de Garoua-Boulaï. De leur côté, le gouvernement et la douane camerounais cherchent un site où entreposer les conteneurs afin de libérer les camions. Une opération coûteuse dont la réalisation semble pour le moins lointaine./////////////.
« En bloquant le corridor, ces rebelles sans foi ni loi affament les populations », désespère Hervé Dianga. En vingt-trois ans de conduite sur la ligne Douala-Bangui, ce camionneur centrafricain stationné depuis le 17 décembre a vécu plusieurs fermetures, toujours « à cause des groupes armés ». /////////////.
Mais, avec la pandémie de coronavirus qui touche de plein fouet l’économie, il craint le pire pour les deux pays. A Garoua-Boulaï, les clients centrafricains qui avaient l’habitude de traverser la frontière pour s’approvisionner ont déserté. Pour certains commerçants, « le chiffre d’affaires a chuté de plus de 70 % », constate Aladji Moussa, un vendeur de chaussures.
Avec Le monde Afrique
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