Comment Wagner et Prigojine ont infiltré l’industrie diamantaire en Centrafrique
Bangui, 15 juin 2023 (CNC) — Dans une enquête exclusive du magazine Jeune Afrique publié sur son site internet ce mardi 20 juin 2023, il est mentionné comment le groupe Wagner, en collaboration avec Evgueni Prigojine, s’est allié à la mafia du diamant en Centrafrique, contrôlant ainsi toute la chaîne, de la récolte à l’exportation vers Dubaï. Cette incursion dans le secteur diamantaire centrafricain a été marquée par l’intimidation des exploitants locaux, le soutien du gouvernement et une alliance avec les réseaux libanais, révélant un business opaque et inquiétant.
Le contrôle de l’industrie diamantaire, l’un des piliers du financement de Wagner en Centrafrique, s’avère lucratif pour le groupe de mercenaires russes. En plus de l’or, du café et du bois, les bénéfices pourraient s’élever à plusieurs dizaines de millions d’euros. Les Nassour, une famille libanaise établie depuis longtemps en Afrique centrale, sont des partenaires clés de Wagner, établissant des bases opérationnelles entre Bria, Bangui et Dubaï.
Au cœur de cette intrigue, la ville de Bria en Centrafrique est devenue un enjeu stratégique pour Wagner. Après l’abandon du Bureau d’achat de diamants en Centrafrique (Badica) en 2015 suite aux sanctions de l’ONU pour trafic illégal de diamants, les mercenaires russes ont rapidement pris le contrôle des lieux en 2021. Malgré les tentatives du Badica pour récupérer ses activités, les autorités gouvernementales n’ont pas répondu favorablement.
Les activités minières de Wagner se sont étendues dans l’est du pays, en particulier dans les zones riches en diamants telles que Bambari, Bria, Nzacko et Bakouma. Le groupe russe a utilisé des méthodes d’intimidation pour s’imposer comme le seul interlocuteur des exploitants et creuseurs locaux, adoptant des tactiques de mafia pour assurer leur collaboration.
Les connexions libanaises jouent un rôle crucial dans l’exportation des diamants extraits. Wagner bénéficie du soutien de l’armée centrafricaine pour assurer la sécurité des convois de pierres jusqu’à Bangui, point de départ vers Dubaï. C’est là que Diamville, une société créée par Wagner, joue un rôle mineur dans l’exportation directe des diamants. Cependant, la majorité de la contrebande est réalisée grâce à une collaboration avec les Nassour, une famille libanaise influente dans le commerce de diamants en Afrique centrale depuis des décennies.
À la tête de ce réseau libanais se trouve Aziz Nassour, dont le père était un homme d’affaires proche du Hezbollah. Aziz Nassour, accompagné d’Hassan Hijazi, un associé discret basé à Bangui, garantit aux mercenaires russes un accès privilégié au marché de Dubaï. Cette ville des Émirats arabes unis est connue comme un “paradis du blanchiment”, facilitant l’écoulement des diamants
de manière détournée. Les Russes de Wagner ont ainsi réussi à exploiter ce marché florissant en contournant les réglementations internationales.
Malgré les tentatives du Processus de Kimberley pour mettre fin à la fraude, la Russie bloque les réformes en sa faveur et protège les intérêts de Wagner et de ses alliés libanais. Ce trafic lucratif profite également à certains États complices. Les diamants collectés par Wagner dans des zones illégales sont toujours écoulés à Anvers en Belgique avec la complicité des réseaux Nassour, malgré les restrictions imposées par le Processus de Kimberley.
Dans ce sombre tableau, la complicité et le silence complaisant du gouvernement centrafricain sont frappants. Les autorités ont interdit la prise de photos et de vidéos à l’aéroport de Mpoko, où les activités de Wagner avaient été révélées. De plus, l’Unité spéciale anti-fraude, créée pour lutter contre les trafics aux frontières, a paradoxalement facilité à plusieurs reprises l’exportation illégale de diamants.
Ainsi, la mainmise de Wagner et de Prigojine sur l’industrie diamantaire en Centrafrique soulève de sérieuses préoccupations quant à l’éthique et à la légalité de leurs activités. Tandis que les mercenaires russes et leurs alliés libanais continuent de prospérer, les conséquences néfastes de leur domination se font ressentir tant sur le plan économique que sur la stabilité de la région.
Par la rédaction du CNC
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