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Chronique du Dr Bernard LALA, (Haut Fonctionnaire Retraité de l’OMS, Ministre Centrafricain)

le docteur Bernard Lala lors de l'assemblée générale du comité national de lutte contre le sida en juillet 2006 (photo Vonou/Acap)   Adulte 6 N p IMG_0240.JPG fetch%3EUID%3E/INBOX%3E70863
Docteur Bernard Lala lors de l’assemblée générale du comité national de lutte contre le sida en juillet 2006 (photo Vonou/Acap)

 

 

 

Compatriotes Cadres Centrafricains (es) !…

Permettez que je vous interpelle par ces trois exemples pris parmi bien d’autres : vous êtes agrégé(e)s d’Histoire, de Géographie ou ingénieur Ponts et Chaussées, formé(e)s à bonne école. Diplômes en poche, vous voilà de retour chez nous. Notre pays, Votre Pays très en retard sur son développement reprend espoir et attend de vous que vous l’accrochiez enfin au train du progrès pour réaliser sa vision du futur. Concrètement :

Vous l’Historien, vous sollicitez de l’Etat une nouvelle prise en charge et vous repartez aussitôt vous immerger dans les archives de la colonisation délocalisées à Aix-la-Chapelle, le temps de nous sortir « l’Histoire de l’Oubangui-Chari ».

Vous le Géographe, vous allez sillonner le territoire national, reconnaitre et noter en détail ses sites et reliefs, actualiser la cartographie du pays et nous produire « la Géographie de l’Ubanghi- Centrafrique ».

Ces deux brochures, une fois validées et inscrites au programme scolaire seront les nouveaux supports didactiques et pédagogiques de l’éducation de l’enfant centrafricain ; vous aurez ainsi rétabli ce dernier dans ses droits et devoirs de connaître d’abord son pays, chance et privilège que ma génération n’a pas eus sous la colonisation.

Quant à vous l’Ingénieur, vous aurez immédiatement intégré notre département des équipements, non pas pour pantoufler comme Ministre ou DG mais plutôt comme Entrepreneur-Chef des travaux publics pénétré de la mission qui vous incombe en tant que cadre technique de pays souverain en développement, de nous construire des ponts modernes pour franchir nos cours d’eau, de nous livrer des routes carrossables sans nids de poule dès la première pluie et d’aménager les berges urbaines de nos rivières.

Compatriotes cadres de haut niveau technique et d’expertise enviable ce n’est malheureusement pas ce que vous nous donnez à voir !

L’Historien et le Géographe prennent fonction dans l’enseignement public souvent en pis-aller comme un intermède dans leur carrière en attente d’une opportunité de meilleure rémunération et tels des mainates ils se borneront à répéter à nos enfants l’histoire et la géographie de l’Europe qui les a formés ! Leur diplôme devient ainsi une fin en soi et ne sera jamais comme nous l’espérions légitimement un gage d’acquisition de connaissances et de savoir- faire exploitables une fois de retour au pays pour combler le déficit d’expertises préjudiciables à notre développement.

Et chaque jour ouvrable de la semaine ils se joindront à l’Ingénieur pour remuer ciel et terre, oubliant leur travail et prêts à toutes les compromissions, jusqu’à ce qu’ils soient nommés Directeurs ou Ministres, souvent dans des départements bien loin de leurs domaines d’expertise et de compétence !

Désormais Gratte-papiers, heureux et fiers, versés dans les discours creux, ils ont réussi. La famille est aux anges : « taha mbeti la na li ti molenge so ! faranzi ti lo ni tonga na ti amundju ! ».

Il est vrai, les salaires du secteur public sont bas, ridiculement bas ; un exemple : quand on prend en compte l’évolution depuis 1905 (l’Oubangui-Chari est déclarée colonie française) du taux d’inflation et de l’indice du cout de la vie, les salaires payés en CFA de nos jours sont comparativement au même niveau de valeur où les percevait l’indigène oubanguien, supplétif de l’administration coloniale. Tant que nous n’avons aucune maitrise sur la monnaie émise par un pays tiers et officiellement en circulation dans notre pays, nous ne pourrons jamais sans autorisation extérieure décider d’augmenter les salaires ou la masse d’argent à mettre en circulation afin de booster le pouvoir d’achat et la consommation ; et nous continuerons de croupir dans la misère.

De la longue lignée des dirigeants qui ont présidé aux destinées de notre pays, Touadéra est le premier à proposer une solution à ce problème vital pour la nation centrafricaine, en adoptant la crypto monnaie comme monnaie de référence nationale pour toute négociation avec notre pays. Comme toute première solution elle reste perfectible, offrant ainsi raison et occasion à nos Cadres de contribuer par des critiques constructives à son amélioration et à sa consolidation pour continuer d’aller de l’avant.

Cadres nationaux, nous devons rester unis et vigilants et surtout ne jamais perdre de vue que les enjeux humains, politiques et économiques liés à cette décision sont capitaux, que les rapports de forces de réaction nous sont défavorables et que la partie adverse fidèle à elle-même ne nous fera aucun cadeau. Il est temps de taire les égoïsmes infantilisants et d’appliquer notre devise nationale – Unité Dignité Travail – sous la forme d’un soutien massif et éclairé à ces efforts de réformes entrepris par le Président Touadéra et son gouvernement. C’est la première chance véritable qui s’offre enfin à nous pour nous approprier le principal levier de démarrage du développement de notre pays.

Enfin dois-je préciser, je suis parfaitement d’accord, tout travail mérite salaire proportionnel à la qualité de l’expertise déployée et je reconnais à chaque cadre national le droit légitime de toujours rechercher une meilleure rémunération de son travail. En revanche je suis choqué et je supporte difficilement que de hauts cadres techniques ne puissent pas mettre en application chez eux et à notre profit le savoir-faire qu’ils ont passé des années à acquérir à l’étranger et qui plus est avec une bourse nationale. L’origine des contraintes à votre plein épanouissement professionnel et social est clairement identifié et vous savez également que toutes les dérives qu’elles continuent de causer, qui grèvent le bon fonctionnement de nos services et impactent négativement le développement de notre pays ne seront jamais corrigées tant que subsistera le carcan structurel de paupérisation de la monnaie étrangère que nous utilisons. La décision courageuse du Président Touadéra et son Gouvernement est un début de réponse et de solution que tous ensemble nous devons accompagner et encadrer efficacement pour lui assurer un plein succès au profit mérité de la Nation Centrafricaine tout entière. A bon entendeur, salut !!

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