CENTRAFRIQUE : URGENCE, BRISER LES CHAINES DE L’EMBARGO SUR LES ARMES ET DÉNONCER LES MANIPULATIONS DES PUISSANCES ÉTRANGÈRES
Bangui, le 2 octobre 2017.
Par : Joseph Akouissonne, CNC.
MOBILISATION GÉNÉRALE !
Depuis trois ans maintenant, la situation du pays est alarmante : face à l’intrusion brutale des ex-Sélékas à Bangui, face à tous les périls qui l’assaillent, le gouvernement légitime de la Centrafrique n’a pas les moyens de résister. Étranglé par la désorganisation de l’Armée Nationale, il est toujours sous le coup de l’embargo décrété abusivement par l’ONU, qui l’empêche d’acheter des armes pour équiper ses forces de défense.
Pendant ce temps, les bandes armées qui écument le pays continuent à s’approvisionner en armes de tous calibres et à occuper les mines de diamant et d’or qui leur assurent les revenus illicites dont elles ont besoin. On en arrive à une situation extrêmement choquante : d’un côté, un gouvernement légitime que les forces internationales empêchent de s’armer ; de l’autre, des rebelles arrogants qui semblent avoir des protections occultes.
Dans cette configuration injuste provoquée par l’embargo, on ne peut envisager aucune paix et pas davantage de réconciliation. On ne voit pas non plus quel gouvernement, quel qu’il soit, pourrait prétendre pacifier la République Centrafricaine. Le pays est sur une planche savonnée par les ex-Sélékas et leurs mentors. Il glisse à grande vitesse vers l’abîme. Vers la partition et, peut-être même, hélas ! vers sa disparition.
Face à la gravité des menaces, une MOBILISATION GÉNÉRALE DE TOUS LES CENTRAFRICAINS s’impose. Il faut désormais dépasser les clivages politiques et les joutes oratoires improductives. Il faut que les politiciens, frustrés par leurs échecs aux élections, parviennent à maîtriser leurs egos, leur appétence à l’argent et leur soif effrénée du pouvoir.
Le pays est en danger de mort. Il faut critiquer le gouvernement certes, c’est le jeu de la démocratie. Mais, quelle que soit sa position, chaque Centrafricain doit apporter sa contribution de citoyen pour sortir de l’impasse le pays des Bantous.
AMBARGO INACCEPTABLE DE L’ONU SUR LES ARMES
Tant que les Forces Armées Centrafricaines ne seront pas opérationnelles sur tout le territoire, tant qu’elles ne seront pas convenablement équipées pour défendre leur pays, la Centrafrique ne s’en sortira pas. Le statut quo imposé par les puissances internationales risque de perdurer. Le calvaire des populations, abandonnées et martyrisées, ne peut que s’aggraver. Il mènera, peut-être, à un génocide.
Les derniers événements qui se sont déroulés à Bocaranga sont inquiétants. Cette ville du nord-ouest de la Centrafrique est occupée par les rebelles du Mouvement 3R (Retour, Réconciliation et Réparation) d’Abass Sidiki, qui se présente comme le défenseur des éleveurs peules. Il se serait allié aux rebelles du MPC (Mouvement Patriotique Centrafricain) de Mohamed Bahar. Mais il semble que ce dernier viendrait de démentir sa participation à l’occupation de Bocaranga. Dont acte.
LES PRISES DE POSITION PARADOXALES DU PRÉSIDENT FRANÇAIS
Depuis son élection, le Président de la République Française s’est rendu deux fois au Mali, sans juger bon d’aller faire escale à Bangui. En Centrafrique comme au Mali, les forces françaises sont présentes. Mais la situation de la République Centrafricaine est beaucoup plus périlleuse que celle du Mali.
Le Centrafrique est en voie de partition. Or les médias français n’évoquent que parcimonieusement le drame abyssal que vivent les Centrafricains. Le retrait de la force Sangaris a laissé un espace libre aux rebelles, qui tuent les Centrafricains et veulent prendre le pouvoir à Bangui à n’importe quel prix. Les principales mines de matières premières sont sous leur contrôle. Les crimes de guerre succèdent aux crimes contre l’humanité.
Sangaris contenait les ex-Sélékas et les traquait à travers tout le pays. Les rebelles redoutaient les forces françaises. Dès que François Hollande a rappelé ses soldats, les rebelles se sont senti pousser des ailes et une totale insécurité s’est répandue quasiment sur tout le territoire, avec son lot de massacres, d’incendies, de profanations de lieux de cultes chrétiens, d’exils forcés, tandis qu’à Bangui, le président et le gouvernement restaient impuissants, donnant l’impression d’être assiégés dans leur propre capitale. Depuis, il ne s’est plus passé un jour sans tueries.
Au cours d’une conférence de presse commune, tenue récemment à Paris par les président français et centrafricain, Emmanuel Macron a déclaré : « il faut une Centrafrique forte !» Tout le monde en convient : il faut un pouvoir fort à Bangui pour bouter hors du territoire les rebelles et les mercenaires. Mais pourquoi la France a-t-elle réduit sa présence militaire fragilisant encore plus, un gouvernement sans armée et sans moyens de se défendre ? Pourquoi la France, membre du Conseil de Sécurité, n’a-t-elle pas œuvré pour lever ce scandaleux embargo ?
Par ailleurs, elle vient de dépêcher en Centrafrique des Marsouins et des drones. Très bien ! Mais, pour le moment, on ne voit pas le bénéfice de cet apport stratégique. Si elle souhaite que le pouvoir soit fort aux bords de l’Oubangui, il faut qu’elle cesse de tergiverser et qu’elle apporte son appui aux FACAS, en utilisant les forces aériennes basées à Ndjamena, en rendant les drones offensifs, en ciblant par des actions commandos les poches des rebelles et des mercenaires.
La situation actuelle exige que la France passe des vœux pieux aux actes. La sécurité de la Centrafrique, la protection de ses populations et son avenir sont corollaires d’un engagement franc de la France et d’autres pays amis.
Aujourd’hui, il est fort à craindre que le nouveau gouvernement n’ait pas une politique adaptée à la situation. Les membres de l’ex-Séléka, maladroitement introduits dans le gouvernement Sarandji II, ne vont-ils pas se transformer en vers dans le fruit ? On dirait des loups dans la bergerie, un missel à la main. Ces ministres ne sont que des taupes au service de leurs mentors, qui attendent impatiemment dans l’ombre pour s’emparer du pouvoir le moment venu.
Il est à craindre que toutes ces gesticulations au chevet d’une Centrafrique agonisante n’aboutissent à rien. Etant donné le comportement criminel des rebelles, leur acharnement à vouloir parvenir à une partition, leur refus de déposer les armes et de se rendre à la table des négociations, il faudrait être naïf pour croire à leur sincérité et à leur engagement pour la paix (SIRIRI) et la réconciliation nationale. Depuis trois ans, à cause d’eux, la République Centrafricaine vit dans une boue ensanglantée.