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CENTRAFRIQUE : QUELLE COLLABORATION HAUTEMENT POLITIQUE ET HAUTEMENT STRATEGIQUE AVEC ALI DARASSA ?

Monsieur saulet Surungba Clotaire.
Clotaire Saulet Surungba, l’auteur de l’article. Photo de courtoisie.

 

 

CENTRAFRIQUE : QUELLE COLLABORATION HAUTEMENT POLITIQUE ET HAUTEMENT STRATEGIQUE AVEC ALI DARASSA ?


 

Quelle n’a été ma sidération d’apprendre que la question de Ali Darassa est hautement politique et hautement stratégique de la part d’une haute personnalité de l’Etat ! Ali Darassa, chef d’une communauté armée devrait être ménagée pour être utilisé par les Pouvoirs publics comme un tampon, comme un frein afin d’empêcher une descente du FPRC de Noureldine Adam et du CNDS-FPRC de Abdoulaye Hissène sur Bangui, via Sibut ! Et la justice n’interviendra que plus tard ! Ai-je bien écouté, ai-je bien entendu ou ai-je bien compris ? En tout cas, c’est ce que j’ai pu retenir de l’intervention de Fidèle Gouandjika dans une émission du compatriote Cavani Di sur Facebook.

Ces propos, intervenus au lendemain du carnage de l’UPC dans la Basse-Kotto, à Alindao précisément, m’interpellent. Loin de lancer des débats creux où le ridicule rivaliserait avec la légèreté, je voudrais m’interroger à haute voix sur la cohérence de l’analyse de la situation qui prévaut dans notre pays.

D’abord, qui est cet Ali Darassa ? Né le 23 juillet 1965, Ali Darassa Mahamat alias Ali Nassaraza Darassa, Ali Darass ou Ali Ndarass est un peuhl fulani de la frontière tchado-nigérienne. La majorité des paisibles peuhls centrafricains sont mbororo et ont toujours vécu en harmonie avec les autres groupes ethniques du Centrafrique, malgré les inévitables problèmes inhérents à la cohabitation entre éleveurs et agriculteurs. Ali Darassa a été le bras droit du peuhl tchadien Mahamat Abdoul Kader, plus connu sous le pseudonyme de Baba Ladé. Ils avaient mis en place le Front populaire pour le redressement (FPR) pour la création, à travers une lutte armée, d’un Etat peuhl qui s’étendrait du Soudan à la Mauritanie, après le renversement des régimes centrafricain et tchadien. Leurs sources de revenus étaient les vols de bétail et le racket des éleveurs.

Après plusieurs années d’opposition armée contre le régime de N’Djaména, au Nigéria et au Darfour, Baba Ladé et Ali Darassa s’étaient s’installés avec leurs hommes en 2008 dans la préfecture de la Nana-Gribizi. Le 3 octobre 2009, ils avaient lancé à partir du territoire centrafricain, une attaque contre la garnison tchadienne de Sido. Les Forces armées centrafricaines (FACA), à l’issue d’âpres combats, mirent la main sur Baba Ladé. Les autorités centrafricaines, le 10 octobre 2009, par l’entremise du Médiateur de la République, Mgr Paulin Pomodimo, remirent Baba Ladé aux autorités tchadiennes. Abandonné dans le sud tchadien, Ali Darassa reprendra les armes en s’intégrant à la Coalition Séléka qui va prendre les pouvoirs d’Etat le 24 mars 2013. Michel Djotodia Am-Nondroko va le nommer Com-Zone de la région Centre-Est à Bambari.

En 2013-2014, les ressortissants de la préfecture de la Ouaka avaient demandé le départ de Ali Darassa à cause des multiples exactions commises sur les populations civiles. En décembre 2014, Ferdinand-Alexandre Nguéndet, alors président du Conseil national de transition avait, lui aussi, demandé le rapatriement du « nigérien Ali Darassa » après l’assassinat d’un membre de sa garde personnelle.

Les massacres des populations civils furent tels que le chargé d’Affaires américain David Brown avait demandé l’arrestation de Ali Darassa à Bambari le 25 août 2015 et avait déclaré à cette occasion : « J’ai visité Bambari le 24 juillet dernier (2015) et pour moi c’était choquant de constater que Ali Darassa, d’une des factions des Séléka dont les éléments braquaient toujours, rackettaient toujours au vu et au su de la MINUSCA et de la Sangaris en plus. Il prélève des taxes sur les productions de café…Je trouve intolérable qu’un Monsieur comme lui se permette de continuer à mener des actions illégales et de grandes envergures qui touchent au moins trois préfectures. Je crois qu’il faut faire quelque chose, soit Monsieur Ali Darassa doit arrêter ce type de comportement soit il doit être arrêté ».

Une pétition va être lancée en 2017 pour exiger l’arrestation d’Ali Darassa pendant que des négociations étaient initiées pour sa délocalisation. « Le problème n’est pas la délocalisation, nous, nous exigeons l’arrestation d’Ali Darass. Nous avons évoqué la question du mandat d’arrêt au président de la République et au jour d’aujourd’hui, il n’existe pas un mandat d’arrêt à l’encontre d’Ali Darass. Notre groupe parlementaire et d’autres députés vont envoyer des questions écrites au gouvernement pour demander des explications », avait déclaré à la presse le 24 février 2017 Ferdinand-Alexandre Nguéndet, en sa qualité président du RPR. Depuis, tous les députés RPR ont migré ailleurs…

Depuis plus de trois ans, Parfait Onanga Anyanga, représentant du Secrétaire général des Nations unies en République centrafricaine, ne cesse de dire haut et fort que les responsabilités attribuées à Ali Darass par les gouvernements précédents ne sont pas encore levées. Ce qui revient à dire que ni Catherine Samba-Panza, ni Faustin-Archange Touadéra n’ont pas encore rapporté le décret de Michel Djotodia. Quand bien même ce décret ne soit pas rapporté, une opération de maintien de la paix des Nations unies doit-elle fermer les yeux sur les graves violations des droits humains et les crimes de guerre perpétrés par le chef de l’UPC ? Est-ce une manière de dire aux centrafricains, « voyez-vous, ce sont vos dirigeants qui appuient Ali Darassa ? »

Gouverner c’est prévoir, dit-on. Quelques jours avant l’enfer qui s’est abattu sur l’évêché d’Alindao, une vidéo montrant Ali Darass donnant des instructions en arabe à ses chefs militaires sous des manguiers, a circulé sur le net. Pourquoi des dispositions n’ont-elles pas été préalablement prises, tant par les forces internationales que par les autorités centrafricaines ? Rien n’a été fait et « à peine l’attaque a-t-elle commencé que les Casques bleus mauritaniens de la MINUSCA se sont retirés dans leur base »*…

Le pire est arrivé le 15 novembre 2018 et le gouvernement vient enfin de décréter  trois jours de deuil national à la mémoire des victimes à compter du 21 septembre 2018 !

Au lieu de nous contenter des bla-bla sur une hypothétique coopération hautement politique et hautement stratégique avec Ali Darassa, nous devons analyser sérieusement, non seulement tout ce qui précède, mais aussi les propos de Mgr Aguirre :

« Nous ne pouvons pas nous limiter à dénoncer ces massacres (Alindao). Il faut aller au fond de ce qui se passe actuellement en Centrafrique. Des groupes tels que l’UPC sont formés par des mercenaires étrangers qui, depuis cinq ans, occupent une partie de notre territoire. Ils sont payés par certains Etats du Golfe et guidés par certains Etats africains limitrophes ? Ils entrent à partir du Tchad en traversant Birao, avec des armes vendues à l’Arabie Saoudite par les Etats-Unis. Ils veulent diviser la Centrafrique en alimentant la haine entre musulmans et non musulmans. De cette manière, ils en profitent pour saccager les richesses centrafricaines : l’or, les diamants et le bétail. Cependant, certains pays étrangers et non africains veulent surtout utiliser la Centrafrique comme porte pour entrer en République démocratique du Congo et dans le reste du continent, en manipulant l’islam radical. C’est ce jeu qui se trouve derrière le massacre d’Alindao ».

Pour terminer, notre Représentation nationale ne doit-elle pas, au nom du peuple centrafricain, demander au Gouvernement de rapporter le décret de nomination, lancer un mandat d’arrêt contre Ali Darassa et retirer son représentant au niveau de la présidence de la République ? Toute autre approche apparaîtra comme une faiblesse, une incohérence et une complicité des Pouvoirs publics avec les bourreaux de la Nation.

 

 

 

 

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