Centrafrique: Bangui paralysée par le spectre du 5 décembre 2013

Publié le 5 décembre 2014 , 6:25
Mis à jour le: 5 décembre 2014 6:25 am
Quartier KM5 de Bangui. Photo: Diaspora
Quartier KM5 de Bangui. Photo: Diaspora

Le spectre du 5 décembre 2013 paralyse Bangui

Bangui – Corbeau News Centrafrique: 05-12-2014. La date du 5 décembre 2013 restera longtemps gravée dans la mémoire des Centrafricains. C’est à cette date que les Anti-balaka – ces jeunes villageois exacerbés et furieux se sont levés pour marcher jusqu’à Bangui, afin de mourir au pied de l’ennemie – la Séléka. Le carnage devant le Palais du peuple a été révélateur du grand sacrifice consenti par ces jeunes patriotes pour qu’aujourd’hui les centrafricains puissent être libérés du joug des mercenaires de la Séléka.

Un an plus tard, notamment ce 5 décembre 2014, la capitale centrafricaine Bangui s’est enveloppée dans une sorte de psychose résultant du spectre de cette date historique. D’autant plus que les rumeurs fusent depuis la veille que le 5 décembre, les Anti-balaka allaient célébrer leur premier anniversaire et que des tirs à l’arme légère ont été entendus toute la nuit jusqu’à ce matin dans les quartiers de la capitale. Certains établissements scolaires sont restés fermés ce matin, tous les marchés de Bangui fonctionnent au ralenti, de même le transport urbain.

Les anti-balaka quant à eux, célèbrent ce premier anniversaire sous le signe de la paix et de la réconciliation nationale. Selon Igor Lamaka, porte-parole de cette milice, « Nous avons décidé au niveau de la coordination générale de ne faire aucune manifestation commémorative, parce que déjà, il y a comme une sorte de psychose dans le pays. Nous pensons qu’un quelconque rassemblement des Anti-balaka va aggraver la situation à un moment où le peuple a déjà trop souffert. C’est pourquoi, nous plaçons cet anniversaire sous le signe de la paix et de la réconciliation nationale. » a-t-il confié à Corbeau News Centrafrique dans un entretien ce 5 décembre.

Le porte-parole a, par ailleurs lancé un appel au calme à la population et à la retenue à tous les combattants Anti-balaka : « Je voudrais rassurer la population que nous Anti-balaka, nous sommes leur émanation et en aucun cas, nous devons constituer une menace pour le peuple. Je demande pardon en ce jour mémorable pour tous les préjudices subis par la population à tort ou à raison au nom des Anti-balaka, puisque beaucoup de bandits ont utilisé notre nom pour commettre des bavures. Quant à vous chers combattants patriotes Anti-balaka, je vous exhorte à célébrer cet anniversaire dans le calme, tout en ayant à l’esprit le sacrifice consenti par nos vaillants combattants tombés devant l’oppresseur de notre nation. »

Un bilan mitigé d’un an des Anti-balaka

Un an après, à l’heure du bilan, les Anti-balaka ne font paradoxalement pas l’unanimité en termes d’appréhension dans l’imaginaire collectif. Pour eux-mêmes, ils sont des « patriotes ». Pour la population non musulmane, ce sont avant tout des « libérateurs » devenus par la suite des « bourreaux », pour la population musulmane, ce sont des bourreaux tout court. Les forces étrangères et les autorités de la transition, les considèrent comme des « fauteurs de troubles.

Ce qui est sûr les Anti-balaka arrivaient à Bangui lorsque la Séléka régentait en bourreau sanguinaire sur toute l’étendue du territoire national. Dans presque tous les quartiers et dans presque tous les coins de rues sévissait la terreur des Séléka et assimilés. Des ressortissants du nord de retour du maquis étaient transformés en quartiers généraux d’hommes armés arrogants à la gâchette facile qui terrorisaient à partir de leur propre voisinage. Les enlèvements, les assassinats, les mutilations, les corps repêchés dans le fleuve étaient banalisés. Il aura fallu l’entrée des Anti-balaka pour que tous ces belliqueux se rabattent, armes et bagages, sur le Km5 et leurs biens, habitations et lieux de culte détruits.

Cependant, la méthode utilisée par les Anti-balaka reste tout autant criminelle que leur cible, même si quelque fois, la fausseté se corrige par la fausseté. C’est sans doute, la pratique qui a fait en sorte que d’aucuns ne soient pas enclin à afficher une quelconque alliance avec les Anti-balaka de peur de paraître islamophobe ou sauvage pour ainsi dire du fait du non-respect des droits humains, à la limite du génocide que caractérise la vengeance des Anti-balaka. On comprend alors pourquoi, ni les forces étrangères, ni les autorités de la transition ne s’alignent derrière cette rhétorique quand bien même, en sous-main, ces mêmes autorités ont apporté des soutiens substantiels à cette milice.

Il faut noter que la population elle, n’a pas dénié aux Anti-balaka leur qualité de libérateurs patriotes au point même d’être leurs complices. Face à la barbarie du contingent tchadien de la MISCA en son temps, seuls les Anti-balaka étaient du côté du peuple. Aujourd’hui encore, dans certains quartiers et localités, ils servent de groupes d’auto-défense et à ce titre, ils bénéficient des collectes en nature et en espèce de la part des populations, jusqu’au moment où les « faux anti-balaka » ont entrepris de se servir sur la bête, engendrant ainsi de la frustration au sein de la population.

Eu égard aux campagnes de diabolisation contre eux, les Anti-balaka sont en passe de perdre la référence populaire dont ils bénéficiaient. Les efforts de leurs leaders n’ont pas suffi pour contenir les bavures. La coordination nationale est obligée de couper court en érigeant le mouvement en un parti politique à l’intérieur duquel devra désormais s’exprimer l’élan supposé de patriotisme.

©Corbeau News Centrafrique / Bangui / Fred Krock.

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