Vakaga : Quand un conflit agropastoral sème la panique au village 5 Kilos

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.
Un malentendu transforme une dispute ordinaire en exode massif de la population de 5 Kilos, un carrefour commercial stratégique de la Vakaga.
Le soleil culminait au-dessus du marché de 5 Kilos lorsque l’impensable s’est produit. En quelques minutes, ce dimanche 2 juin vers midi, l’un des plus importants carrefours commerciaux de la préfecture de la Vakaga s’est métamorphosé en théâtre d’une fuite éperdue. Commerçants, clients, enfants : tous ont abandonné leurs étals et leurs marchandises pour disparaître dans la brousse environnante.
L’origine de cette débandade ? Un conflit aussi vieux que l’Afrique elle-même : l’éternel différend entre éleveurs et agriculteurs.
Quand les cabris sèment la discorde
Tout débute par une scène banale dans cette région où cohabitent difficilement pasteurs peuls et cultivateurs arabes. Les chèvres d’un groupe d’éleveurs ont ravagé le champ d’un agriculteur. La colère de ce dernier, légitime face à la destruction de sa récolte, a rapidement dégénéré. Les éleveurs, loin de présenter des excuses ou de proposer une compensation selon les usages traditionnels, ont choisi la violence.
L’agriculteur, passé à tabac, gît au sol, blessé et abandonné par ses agresseurs qui ont pris la fuite. C’est alors qu’interviennent des villageois de passage, témoins de cette agression. Par solidarité, ils décident de transporter le blessé vers le village 5 Kilos pour qu’il reçoive des soins dans le dispensaire local.
La rumeur, cette arme de destruction massive
Mais dans une région où les cicatrices des conflits armés sont encore béantes, où chaque ombre peut cacher un rebelle soudanais ou des bandits armés, la vue de ces hommes sortant de la brousse en portant un corps a suffi à déclencher l’apocalypse.
“Des rebelles attaquent !”. Le cri a jailli de nulle part, se propageant à la vitesse de l’éclair dans les ruelles du marché. En Centrafrique, particulièrement dans la Vakaga, cette région frontalière avec le Tchad et le Soudan, le mot “rebelle” agit comme un détonateur. Les populations, traumatisées par des années d’insécurité, ont développé un réflexe de survie : fuir d’abord, poser des questions ensuite.
L’effet domino de la terreur
La première vague de fuyards a engendré une seconde, puis une troisième. Le phénomène s’auto-entretient : voir courir ses voisins pousse instinctivement à les imiter. Personne n’a pris le temps de vérifier l’information, de chercher à comprendre. Dans ces moments-là, la logique cède place à l’instinct de préservation.
Pendant une heure interminable, 5 Kilos s’est transformé en village fantôme. Les étals abandonnés, les marchandises éparpillées, le silence soudain de ce qui était quelques minutes plus tôt un marché grouillant de vie témoignaient de la puissance destructrice de la peur collective.
Le retour du bon sens
Il a fallu attendre 13 heures pour que la vérité éclate enfin au grand jour. Les prétendus “rebelles” n’étaient autres que des villageois transportant un blessé vers les soins. Progressivement, les nouvelles se sont répandues, les esprits se sont apaisés, et les habitants ont regagné leurs foyers et leurs commerces.
Le marché a retrouvé son animation habituelle, comme si rien ne s’était passé. Mais cet épisode, qui pourrait prêter à sourire, révèle en réalité les fractures profondes qui minent encore la société centrafricaine.
Les stigmates d’un pays meurtri
Cet incident de 5 Kilos cristallise plusieurs maux chroniques de la République centrafricaine. D’abord, la persistance des conflits agropastoraux, amplifiés par les changements climatiques et la raréfaction des ressources. Ensuite, la psychose sécuritaire qui habite les populations, fruit amer de décennies d’instabilité politique et de violences intercommunautaires.
Dans la Vakaga, préfecture stratégique mais enclavée, où l’État peine à affirmer son autorité, chaque incident peut dégénérer. Les populations, livrées à elles-mêmes, ont appris à décoder les signaux de danger, quitte à parfois voir des menaces là où il n’y en a pas.
Ce dimanche 2 juin restera dans les mémoires de 5 Kilos comme le jour où un conflit de cabris a vidé un marché. Une leçon d’humilité sur le pouvoir de la rumeur et un miroir tendu à une société encore fragile, où la méfiance et la peur côtoient quotidiennement l’espoir et la résilience….
CONTACTER CORBEAU NEWS CENTRAFRIQUE
Tel/ WhatsApp : +236 75 72 18 21
Email: corbeaunewscentrafrique@gmail.com
Rejoignez notre communauté
Chaine officielle du CNC
Invitation à suivre la chaine du CNC
Note : les deux premiers groupes sont réservés uniquement aux publications officielles du CNC