Sur la route de Zawa-Gadzi-Boy-Bali, à la barrière où la loi s’arrête et la violence commence

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Sur la route de Zawa-Gadzi-Carnot, à la barrière où la loi s’arrête et la violence commence

 

Le marché central de la ville de Zawa située entre Yaloké et Bossemptélé en Centrafrique
Le marché central de la ville de Zawa située entre Yaloké et Bossemptélé en Centrafrique. Photo CNC

 

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.

 L’axe Zawa-Gadzi-Carnot reste une voie indispensable pour les habitants des villages comme Gontikiri, Gadzi, Boy-Bali, et d’autres localités voisines. C’est tout sauf  un lien vital pour acheminer manioc et autres produits vers les marchés hebdomadaires. Chaque jour, des centaines de personnes, paysans, motocyclistes, commerçants, empruntent ce chemin. Pourtant, à la barrière de Gbom, à dix kilomètres de Zawa, la sécurité promise par l’État se transforme en cauchemar, un lieu où les règles s’effacent face à la brutalité des hommes en tenue qui se comportent comme des rebelles.

 

En effet, le long de cette route, comme sur de nombreux autres axes du pays, se dressent plusieurs barrières de contrôle. Mais parmi toutes ces installations illégales, la barrière du croisement de Gbom illustre de manière particulièrement dramatique la dérive d’un système censé garantir la sécurité des citoyens.

 

Il est nécessaire de situer la position géographique de cette barrière de honte. Venant par exemple du village Zawa, à 10 kilomètres, on arrive au croisement de Gbom où se retrouvent en face deux axes : celui de gauche mène vers le village Gontikiri pour aller vers Gadzi, et celui de droite va vers le village Boy-Bali. Cette position géographique rend la barrière incontournable pour tous les usagers de la région, créant un véritable piège pour les populations locales.

 

En effet, les éléments des Forces armées centrafricaines, de la police et de la gendarmerie stationnés à ce point de contrôle ont instauré un système de taxation illégale particulièrement pervers. Les montants exigés oscillent entre 1 000 et 2 000 francs CFA, sans aucune base légale ni délivrance de reçu. Cette ponction représente souvent plusieurs jours de revenus pour des populations qui survivent avec 400 à 600 francs par jour.

 

Les faits observés révèlent une mécanique implacable. La semaine dernière, un conducteur d’une  moto quitte Zawa en direction de Gadzi, transportant un passager et un bagage. À la barrière de Gbom, après avoir payé les 1 000 francs de “formalité” pour son passage, les agents exigent une somme supplémentaire pour le bagage transporté. Le conducteur explique qu’il s’agit d’une simple commission, pas d’un produit commercial. Refus catégorique des agents. Devant la contestation du motocycliste, ces derniers le font descendre de sa moto et commencent à le frapper avant de le jeter dans le cachot. Deux heures de coups et d’humiliations plus tard, l’homme ressort meurtri. Entre-temps, les agents ont fouillé et confisqué une partie du contenu du bagage.

 

Un autre cas illustre parfaitement cette dérive. Trois jours plutôt, un conducteur de moto venu de Gadzi pour aller à Zawa est arrivé au croisement de Gbom. Les forces de l’ordre postées sur cette barrière mixte lui ont demandé les papiers de sa moto. Il a présenté tous les documents requis. Malgré cela, on lui a exigé de payer la “formalité” de 1 000 francs CFA. Le motocycliste a répondu calmement : « Chef, j’ai tous mes papiers. À toutes les autres barrières depuis Gadzi jusqu’ici, je montre mes documents et on me laisse passer ». Mais les policiers, gendarmes et soldats présents ont insisté : « Tu dois payer obligatoirement. Tes papiers nous donnent pas à manger et ne lavent pas nos tenues ». L’homme a rétorqué qu’il n’avait pas d’argent sur lui. Immédiatement, deux agents se sont mis à le bousculer. Ils l’ont roué de coups, avant de le pousser de force dans leur trou aménagé spécialement pour brimer les usagers de cet axe. Là, ils ont continué à le frapper à coups de bâton, tout en lui versant de l’eau sur le corps. Les violences ont duré plusieurs heures.

 

Le processus est méthodiquement organisé. Les usagers qui ne peuvent s’acquitter de ces sommes voient leurs biens confisqués sur-le-champ : produits agricoles, moyens de transport, effets personnels. Aucune procédure n’est respectée, aucun recours n’est possible. La force prime sur le droit. Par exemple, un jour, une femme de Boy-Bali  transporte une cuvette de manioc, fruit de plusieurs jours de travail aux champs pour venir vendre sur le marché. Mais à la barrière de Gbom, elle a été sommée de payer la formalité sur le manioc. Elle explique aux agents qu’elle n’a que 100 francs pour leur donner, que cette vente lui permettra de nourrir ses enfants. Les agents maintiennent leur exigence : 500 francs ou la confiscation du manioc.

 

Plus grave, les agents, pour mieux terroriser leurs victimes,  ont aménagé un cachot de fortune adjacent à la barrière. Cet espace confiné sert de lieu de détention pour les usagers qui contestent ces pratiques. Les violences physiques y sont organisées : coups, fouilles corporelles brutales, spoliations. Les méthodes employées relèvent de la torture : aspersion d’eau, coups répétés avec des barres de fer, détention de deux à trois heures dans des conditions inhumaines. Les provocations verbales visent délibérément à pousser les victimes à la faute pour justifier l’escalade répressive.

 

Face à ces agents, aucune explication humaine ne trouve grâce. Qu’un usager explique qu’il revient de l’hôpital, qu’il vient de perdre un membre de sa famille, qu’il traverse une épreuve personnelle, les réponses restent identiques : paiement obligatoire de formalité ou confiscation. Cette insensibilité totale aux situations humaines révèle des comportements de véritables voyous en uniforme, sourds à toute compassion. À cette barrière, les usagers, en particulier les motocyclistes, vivent un véritable cauchemar.

 

Cette dérive affecte directement l’économie locale. Les villages environnants comme Boy-Bali voient leurs circuits commerciaux perturbés. Parfois, les agriculteurs modifient leurs itinéraires, les transporteurs évitent la zone, les prix augmentent mécaniquement. Le tissu économique régional se délite progressivement sous l’effet de cette prédation institutionnalisée.

 

L’analyse juridique révèle une situation paradoxale. Ces agents tirent leur légitimité et leurs moyens matériels de l’État qu’ils sont censés représenter. Leurs salaires, leurs équipements, leurs prérogatives découlent directement des contributions des citoyens qu’ils rançonnent. Cette inversion totale du rapport de service public constitue une négation des principes fondamentaux de l’autorité étatique.

 

Si la barrière de Gbom symbolise cette dérive, elle n’est malheureusement pas l’unique cas. D’autres points de contrôle à travers le pays présentent des dysfonctionnements similaires. Mais l’ampleur et la systématisation des abus constatés à Gbom en font un exemple particulièrement révélateur de la crise profonde que traverse le secteur sécuritaire.

 

L’axe Zawa-Gadzi- Boy-Bali doit retrouver sa vocation première : permettre la libre circulation des personnes et des biens dans le respect de la légalité. La barrière de Gbom doit redevenir un instrument de sécurisation, non d’exploitation. Cette exigence relève de l’impératif démocratique le plus élémentaire : l’État doit servir ses citoyens, non les asservir….

 

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