Femmes détenues à Bimbo : formations pour la réinsertion ou exploitation économique déguisée ?

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.
La MINUSCA finance seule les programmes de réinsertion des 40 femmes détenues à Bimbo, à la sortie sud-ouest de la capitale Bangui.
La maison d’arrêt de Bimbo propose des formations en couture, saponification et fabrication de produits artisanaux aux Femmes détenues. Ces activités, présentées comme des outils de réinsertion, cachent une réalité plus complexe. L’État centrafricain n’y consacre aucun budget, laissant la MINUSCA porter seule ces initiatives.
Natacha Clarisse Ndokoyanga, régisseuse de l’établissement, détaille ces programmes lors de l’émission Aux carrefours des droits de l’homme sur Guira FM. Les détenues apprennent à confectionner des sandales, des sacs, à fabriquer du savon et des jus naturels. Un programme d’alphabétisation complète ces formations. La répartition des bénéfices suit un schéma fixe : 25% pour les détenues, 25% pour l’administration pénitentiaire, 50% pour les matières premières.
Cette organisation pose question. Les femmes qui travaillent ne touchent qu’un quart des revenus générés par leur activité. L’administration pénitentiaire, elle, récupère une part égale sans participer à la production. Ce système profite davantage aux gestionnaires qu’aux détenues censées se réinsérer.
Le gouvernement centrafricain brille par son absence. Aucun financement public ne soutient ces programmes. La MINUSCA assume seule les coûts de formation, d’équipement et de supervision. Sans cette intervention internationale, ces activités n’existeraient pas. L’État se contente de récupérer les bénéfices sans investir.
Cette dépendance totale interroge sur la durabilité des initiatives. Que se passera-t-il quand la MINUSCA quittera le territoire ? Le gouvernement n’a développé aucune capacité propre pour maintenir ces programmes. Les détenues risquent de se retrouver sans formation ni activité rémunérée.
La situation juridique de nombreuses détenues aggrave le problème. Sur les 40 femmes, 15 sont en détention provisoire, certaines depuis des années. Elles attendent un jugement qui ne vient pas. Les infractions évoquées – coups et blessures, abus de confiance, pratiques de sorcellerie – soulèvent des questions sur la légitimité de certaines arrestations.
Le système judiciaire centrafricain traîne les pieds. Des femmes croupissent en prison sans procès équitable. Elles travaillent dans le cadre de ces programmes de formation alors que leur culpabilité n’est pas établie. Cette situation transforme la détention provisoire en travail forcé déguisé.
Les conditions de détention restent précaires malgré les formations. La prison compte 60 places pour 40 détenues, évitant la surpopulation chronique d’autres établissements. Mais l’infirmerie manque de personnel qualifié. Deux agentes de la défense sans formation médicale poussée s’occupent des soins. Les femmes enceintes doivent être transférées vers des hôpitaux externes pour accoucher, créant des risques supplémentaires.
La localisation de la prison pose problème depuis des décennies. Située en plein centre commercial de Bimbo, elle présente des risques de sécurité pour la population environnante. Natacha Clarisse Ndokoyanga reconnaît les dangers d’une mutinerie dans ce contexte urbain dense. Pourtant, aucun projet de délocalisation n’existe.
Le gouvernement n’a jamais envisagé de déplacer l’établissement vers un site plus approprié. Cette inaction expose détenues et habitants à des risques évitables. La MINUSCA conseille sur les questions de sécurité mais ne peut compenser l’absence de planification gouvernementale.
Les formations à Bimbo fonctionnent grâce aux fonds et à l’expertise internationaux. Elles offrent aux détenues des compétences utiles pour leur réinsertion. Mais elles masquent aussi l’abandon de l’État centrafricain face à ses responsabilités pénitentiaires. Le gouvernement laisse un acteur extérieur gérer un pan entier de son système carcéral.
Cette situation expose la faiblesse structurelle de l’administration centrafricaine. Incapable de financer des programmes de réinsertion, elle se repose sur l’aide internationale. Les détenues en paient le prix, coincées entre exploitation économique et abandon judiciaire. Leurs formations, bien que bénéfiques, ne compensent pas les dysfonctionnements profonds du système pénitentiaire national….




