Enquête exclusive : dans les coulisses de l’accord de Ndjamena entre le gouvernement centrafricain, les 3R et l’UPC

0
1302

Enquête exclusive : dans les coulisses de l’accord de Ndjamena entre le gouvernement centrafricain, les 3R et l’UPC

 

Centrafrique : accord de Ndjamena, l’Entrée en Scène de Wagner Menace le Cessez-le-Feu avec les rebelles
le-chef-rebelle-de-3R-entoure-de-ses-gardes-du-corps – RCA : le 3R réagit au massacre des Peuls par les mercenaires de Wagner

 

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.

 En avril 2025, l’accord de Ndjamena unit le gouvernement centrafricain, les 3R et l’UPC dans une tentative de paix, sous la médiation déterminante du Tchad.

 

Les prémices  de l’accord : une prétendue menace de la France

 

Depuis 2022, le gouvernement centrafricain pousse le Tchad pour établir une force conjointe afin de contrôler leur frontière commune, un corridor de plus de 1 000 kilomètres, fragile aux incursions des groupes armés de la coalition des patriote pour le changement (CPC) et de la CPCF. Le président centrafricain, Faustin-Archange Touadéra alias Baba Kongoboro, voit dans cette coopération un moyen de neutraliser ces groupes armées, actifs dans le nord-ouest et le sud-est du pays. Mais le Tchad, dirigé par Mahamat Idriss Déby, reste réticent. Craignant un enlisement dans les conflits centrafricains, N’Djamena repousse la proposition en 2022, 2023, et début 2024.

 

Tout bascule à l’automne 2024, lors d’un échange discret entre Touadéra et Mahamat Déby. Touadéra, très malin,  avertit son homologue tchadien d’une menace partagée : une supposée manipulation française visant à déstabiliser leurs régimes communs. Il cite une rébellion de jeunes Tchadiens, formée par le groupe Wagner en 2023 dans le nord de la RCA, plus précisement vers Paoua,  et matée par l’armée tchadienne, qu’il attribue faussement à un soutien occulte de la France. Selon Touadéra, Paris pourrait utiliser les rebelles de la CPC, notamment les  3R, l’UPC, pour affaiblir le pouvoir de Bangui et de N’Djamena. Ces allégations de Touadera, un gros malin, s’appuient sur la dégradation des relations entre le Tchad et la France, marquée par le retrait des forces françaises de N’Djamena en 2024.

 

Le Tchad passe à l’action

 

Convaincu par cet avertissement de son homologue centrafricain, Mahamat Déby réunit ses généraux pour évaluer la situation. La crainte d’une instrumentalisation des groupes armés par la France, combinée à l’instabilité régionale, pousse N’Djamena à changer de cap. Le 15 octobre 2024, un accord est signé pour créer une force mixte Tchad-RCA, permettant aux troupes tchadiennes de poursuivre des éventuels rebelles jusqu’à 5 kilomètres à l’intérieur du territoire centrafricain. Cet accord renforce la coopération entre les deux pays et pose les bases d’une médiation tchadienne avec les groupes armés.

 

Dialogue avec les rebelles : premiers contacts tendus

 

Fort de cette entente, le Tchad prend l’initiative de contacter les chefs des 3R et de l’UPC. Le chef d’état-major tchadien rencontre Sembé Ousmane Bobo, alias Général Abdelkader, leader des 3R, et Ali Darassa, chef de l’UPC, à N’Djamena. Les officiels tchadiens les mettent en garde : la France pourrait exploiter leurs mouvements pour semer le chaos. Ils les pressent de négocier avec Bangui pour éviter d’être manipulés.

 

Bobo, à la tête des 3R, se montre méfiant. Il rappelle au chef d’État-major de l’armée tchadienne les multiples accords de paix signés avec le gouvernement centrafricain, souvent suivis de promesses non tenues, notamment sur le Désarmement, Démobilisation et Réintégration (DDR). Il insiste auprès du chef d’État-major :  « Pour moi, je veux un dialogue inclusif avec tous les groupes, y compris la CPCF, pour une paix qui tient », insiste Bobo du 3R. L’homme exige des garanties pour ses combattants, comme des emplois ou une intégration dans l’armée, ainsi que pour sa propre sécurité. Le chef d’état-major tchadien, de son côté,  transmet ces revendications à Mahamat Déby, qui propose de nouveau à Touadéra un dialogue élargi avec l’ensemble des groupes armés de la CPC et CPCF.

 

Bangui ferme la porte à un dialogue inclusif à tous les groupes armés

 

Touadéra rejette cette idée de dialogue inclusif sans détour. Il cible uniquement les 3R, qu’il considère comme le groupe le plus structuré et influent à ce stade  . « Je veux discuter uniquement avec Bobo, pas avec la CPC  ou la CPCF », déclare-t-il au Président Déby lors d’un appel. Cette position surprend N’Djamena, mais le Tchad relaie quand-même le message aux 3R. Sous la pression tchadienne, Bobo accepte, bien que réticent, d’entamer des pourparlers bilatéraux avec Bangui.

 

Les pourparlers : un processus sous haute tension

 

Les discussions s’ouvrent en novembre 2024 à N’Djamena. Une délégation centrafricaine, menée par le général Henry Wanzet Linguissara, chef du renseignement à la présidence, rencontre Bobo à Ndjamena. La première réunion est électrique. Bobo reproche à Bangui son manque de fiabilité : « Vous signez des accords, mais rien ne change. Où est le DDR ? Où sont les postes promis ? » Linguissara riposte en pointant du doigt la France, accusée de saboter les efforts de paix. Il évoque l’Unité Mixte de Sécurité (UMS), un projet financé par l’Union européenne, prétendument bloqué par Paris. « Ce n’est pas nous, c’est la France qui casse tout », affirme-t-il, une stratégie pour détourner les critiques et rejette tout sur la France.

 

Malgré ces tensions, les échanges progressent. En décembre 2024, les réunions se succèdent. Bobo, sous la pression constante du Tchad, commence à céder. Il accepte de réintégrer l’Accord Politique pour la Paix et la Réconciliation (APPR-RCA) de 2019, à condition que ses combattants soient cantonnés, certains intégrés dans l’armée centrafricaine, et d’autres réinsérés dans la vie civile via le DDR. Il demande aussi des assurances pour sa sécurité et celle de ses lieutenants.

 

L’inclusion de l’UPC : une exigence tchadienne

 

En janvier 2025, Déby impose un tournant décisif : l’UPC doit rejoindre les négociations. Touadéra, initialement opposé à l’idée de discuter avec Ali Darassa, sanctionné par l’ONU en 2021 pour violations des droits humains, finit par accepter sous la pression tchadienne. Darassa, basé dans le sud-est, voit dans cette opportunité une chance de regagner une légitimité politique. Il rejoint les pourparlers à N’Djamena en février 2025, marquant une nouvelle phase dans les discussions.

 

Vers l’accord de Ndjamena : une signature sous pression

 

Les négociations s’intensifient entre février et avril 2025. Le Tchad, jouant un rôle de médiateur inflexible, maintient la pression sur les trois parties. Touadéra, Bobo et Darassa participent à une série de réunions marathon, du 12 au 19 avril 2025, à N’Djamena. Le 19 avril 2025, l’accord de Ndjamena est signé, engageant le gouvernement centrafricain, les 3R et l’UPC à cesser les hostilités. Les termes publics de l’accord stipulent la dissolution des 3R et de l’UPC, le cantonnement de leurs combattants, et leur réintégration via le DDR. Certains rebelles seront incorporés dans l’armée centrafricaine, tandis que d’autres recevront une formation pour retourner à la vie civile. Les leaders, Bobo et Darassa, devraient obtenir des postes politiques ou militaires, conformément à l’APPR-RCA.

 

Un accord secret pour protéger les enjeux politiques

 

L’accord de Ndjamena comporte deux volets : un document public, largement relayé, et un accord confidentiel, tenu secret pour éviter des remous à l’approche des élections centrafricaines de décembre 2025. Ce second texte, négocié en parallèle, contient des arrangements sensibles, notamment sur les postes attribués aux leaders rebelles et des garanties financières pour assurer leur loyauté. Cette discrétion vise à protéger Touadéra, dont la réélection pourrait être fragilisée par des révélations sur des concessions aux groupes armés. De même, Déby souhaite éviter des fuites qui pourraient compliquer sa propre position face à des critiques internes au Tchad.

 

Premiers pas vers le désarmement

 

Dès la signature, le processus de désarmement commence. À partir de fin avril 2025, les combattants des 3R et de l’UPC convergent vers des sites de cantonnement désignés comme à Niem pour les 3R, et à Bokolobo pour les UPC….

 

CONTACTER CORBEAU NEWS CENTRAFRIQUE

Corbeaunews Centrafrique

Tel/ WhatsApp : +236 75 72 18 21

Email: corbeaunewscentrafrique@gmail.com

Rejoignez notre communauté

Chaine officielle du CNC

Invitation à suivre la chaine du CNC

CNC Groupe 3

CNC groupe 4

CNC groupe le Soleil

Note : les deux premiers groupes sont réservés  uniquement aux publications officielles du CNC