Bangui : Deux homosexuels arrêtés dans une auberge à Pétévo, entre vide juridique et pression sociale

Rédigé le 27 septembre 2025 .
Par : la rédaction de Corbeaunews-Centrafrique (CNC).
L’arrestation du gendarme Gbanngazoni et d’un civil surpris dans une relation intime au quartier Pétévo, dans le sixième arrondissement de la capitale relance le débat sur le statut légal de l’homosexualité en Centrafrique.
Une arrestation survenue la semaine dernière dans le sixième arrondissement de Bangui relance une question sensible en République centrafricaine : quelle est la situation légale réelle de l’homosexualité dans le pays ? L’interpellation de deux hommes, dont un gendarme en service et un civil, surpris en plein rapport sexuel dans une auberge du quartier Pétévo, pose des questions juridiques importantes sur les limites entre morale sociale et droit pénal.

La scène s’est déroulée lorsqu’une patrouille a découvert les deux hommes dans une chambre d’auberge. Immédiatement conduits à la Section de recherches et d’investigations (SRI), ils ont provoqué de vives réactions dans le quartier où beaucoup considèrent leur acte comme une atteinte à la morale publique. Cette réaction populaire contraste avec la réalité juridique du pays.
En effet, le code pénal centrafricain ne condamne pas explicitement les relations entre personnes de même sexe. Contrairement à d’autres pays de la région, la République centrafricaine n’a pas de loi spécifique criminalisant l’homosexualité. Tant que ces rapports se déroulent en privé et entre adultes consentants, ils ne constituent pas techniquement un crime au regard de la législation nationale.
Cette situation juridique crée un flou que les forces de l’ordre exploitent souvent en s’appuyant sur des articles généraux du code pénal. Les notions d’« outrage public à la pudeur » et d’« atteintes aux bonnes mœurs » deviennent alors des outils juridiques utilisés lorsqu’un acte est découvert dans un espace que les autorités jugent accessible au public.
Dans le cas de l’auberge du quartier Pétévo, cette ambiguïté juridique est particulièrement visible. D’un point de vue strictement légal, rien n’interdit explicitement l’acte commis dans une chambre privée. Mais socialement et moralement, la stigmatisation reste très forte, poussant les autorités à agir davantage selon les normes sociales que selon une base pénale claire.
Cette approche n’est pas nouvelle en République centrafricaine. Il y a une année, deux ressortissants camerounais avaient été arrêtés à Bangui pour suspicion d’homosexualité. Bien qu’aucune disposition légale ne permette une condamnation pénale directe pour ce motif, les deux hommes avaient finalement été expulsés vers leur pays d’origine.
Cette expulsion passée montre parfaitement le décalage entre la légalité théorique et les pratiques réelles. Juridiquement, il n’y avait pas matière à sanction pénale, mais socialement et politiquement, les autorités avaient cédé à la pression populaire et aux normes morales dominantes. Cette affaire avait créé un précédent troublant où l’absence de base légale claire n’avait pas empêché des mesures coercitives.
La Constitution ajoute une nuance importante à ce tableau juridique complexe. Si elle interdit explicitement le mariage entre personnes de même sexe, elle ne criminalise pas pour autant l’homosexualité elle-même. Cette distinction constitutionnelle crée un paradoxe : le mariage homosexuel est constitutionnellement prohibé, mais les relations homosexuelles privées ne sont pas pénalement sanctionnées.

Cette situation juridique paradoxale explique les arrestations arbitraires, les intimidations et parfois les expulsions qui frappent les personnes homosexuelles sans qu’aucune condamnation formelle ne soit jamais prononcée. Les autorités agissent dans un vide juridique qu’elles comblent par l’application de normes sociales non codifiées.
Le cas du gendarme Gbanngazoni arrêté au moment où son anus était en train d’être chauffé par un autre PD ajoute une dimension particulière à cette affaire. En tant que membre des forces de l’ordre, sa situation professionnelle pourrait être compromise même en l’absence de condamnation pénale. Les règlements internes de la gendarmerie peuvent prévoir des sanctions disciplinaires pour des comportements jugés contraires à l’éthique du corps, indépendamment de leur caractère légal ou illégal.
Cette affaire pousse ainsi les centrafricains à s’interroger sur l’état de droit en République centrafricaine. Dans quelle mesure les autorités peuvent-elles arrêter et sanctionner des citoyens pour des actes qui ne sont pas explicitement criminalisés par la loi ? Cette pratique ne constitue-t-elle pas une forme d’arbitraire judiciaire contraire aux principes constitutionnels ?
La situation actuelle traduit un conflit entre plusieurs sources de normes : le droit pénal qui ne condamne pas explicitement l’homosexualité, la Constitution qui interdit le mariage homosexuel, les normes sociales qui rejettent fermement ces pratiques, et les pressions populaires qui poussent les autorités à agir.
Dans ce contexte complexe, les personnes homosexuelles en République centrafricaine évoluent dans une zone grise particulièrement inconfortable. Elles ne risquent pas théoriquement de condamnation pénale, mais peuvent subir des arrestations, des intimidations ou des expulsions basées sur des interprétations extensives de textes juridiques généraux.




