RCA : Quand le ministère de la Culture outrepasse ses compétences dans l’affaire de l’Union des Musiciens centrafricains

Une chronique de trois années de dysfonctionnements administratifs et de violations statutaires dans l’affaire de l’Union des Musiciens centrafricains.
Rédigé le 26 août 2025
Par : la rédaction de Corbeaunews-Centrafrique (CNC).
L’année 2022 avait apporté un vent d’espoir aux artistes centrafricains. Après des années de tensions internes, l’Union des Musiciens de Centrafrique (UMC) organisait enfin une Assemblée Générale Élective qui devait tourner la page d’une longue période d’instabilité. Les musiciens du pays avaient massivement participé à ce scrutin qui portait Louhango Perrin, plus connu sous le nom de Chengo Baba, à la présidence de leur organisation.
Cette élection représentait bien plus qu’un simple changement de direction. Elle incarnait la volonté des artistes de reprendre en main leur destin collectif, de structurer leur profession et de peser davantage dans le paysage culturel national. Les attentes étaient énormes, les projets ambitieux, et la mobilisation réelle.
Pourtant, deux mois seulement après son installation, Chengo Baba prenait une décision qui allait bouleverser le cours des événements : il démissionnait de ses fonctions. Les raisons invoquées étaient d’ordre professionnel. Ses obligations personnelles, expliquait-il, ne lui permettaient plus d’assurer correctement la charge de président de l’UMC, étant un soldat FACA. Une décision compréhensible sur le plan humain, mais qui allait ouvrir une période de turbulences dont l’association peine encore à sortir aujourd’hui.
Le règlement intérieur et le statut de l’UMC prévoient ce type de situation. En cas de vacance du poste de président, c’est le vice-président qui assure automatiquement l’intérim. À l’époque, ce poste était occupé par Dany Ngarasso, qui héritait donc de cette responsabilité transitoire. Les textes statutaires sont précis sur ce point : cet intérim ne peut excéder 45 jours calendaires, période au terme de laquelle une nouvelle Assemblée Générale Élective doit impérativement être convoquée pour désigner un nouveau bureau.
Cette disposition n’a rien d’exceptionnel. Elle existe dans la plupart des associations pour éviter les dérives autoritaires et garantir le renouvellement démocratique des instances dirigeantes. Quarante-cinq jours, c’est largement suffisant pour organiser une consultation, mobiliser les membres et assurer la continuité institutionnelle.
Cependant, Dany Ngarasso n’a jamais convoqué cette Assemblée Générale. Les jours ont passé, puis les semaines, puis les mois. Les 45 jours réglementaires sont devenus 90, puis 180, puis une année entière. Et l’intérimaire restait en place, gérant l’UMC comme s’il en était le président légitime.
Cette situation a rapidement créé des tensions au sein du bureau provisoire. Les autres membres, conscients de l’irrégularité croissante de la situation, ont multiplié les rappels à l’ordre. Ils ont souligné que l’intérim n’était pas une présidence déguisée, mais bien une fonction temporaire avec des prérogatives limitées. Ils ont insisté sur l’urgence d’organiser de nouvelles élections pour rétablir la légitimité démocratique de l’institution.
Face à l’obstination de Dani Ngarasso, ces membres du bureau ont fini par prendre leurs responsabilités. Constatant que leur présence cautionnait une situation de plus en plus intenable, ils ont démissionné collectivement. Cette démission n’était pas un caprice ou une manifestation d’humeur : c’était un acte de protestation contre la confiscation progressive de l’UMC par son président intérimaire.
Pour autant, ces membres démissionnaires n’ont pas abandonné l’association. Conscients de leurs responsabilités envers les artistes centrafricains, ils ont élaboré une proposition constructive : la mise en place d’un comité indépendant, composé de personnalités neutres et respectées du milieu artistique, chargé d’organiser des élections transparentes et inclusives.
Cette proposition avait le mérite de la simplicité et de l’efficacité. Elle permettait de sortir de l’impasse en confiant l’organisation du scrutin à des personnes extérieures aux conflits internes, garantissant ainsi l’impartialité du processus. Le comité proposé devait préparer les élections, vérifier les listes électorales, superviser la campagne et assurer le bon déroulement du vote.
Ce rapport détaillant la proposition a été officiellement transmis au ministère des Arts, de la Culture et du Tourisme. L’objectif était d’obtenir l’aval de la tutelle administrative et de donner un cadre officiel à cette démarche de sortie de crise. Les artistes espéraient une réaction rapide et positive de l’administration.
Sur la base de cette proposition, une nouvelle Assemblée Générale Élective avait été programmée pour le 30 août 2023. Cette date représentait un espoir immense pour les musiciens centrafricains qui voyaient enfin la perspective d’une normalisation institutionnelle. Les préparatifs avaient commencé, les artistes se mobilisaient, et l’atmosphère laissait présager un nouveau départ pour l’UMC.
Mais cette date ne restera dans les mémoires que comme celle d’un rendez-vous manqué, à en croire le Président par intérim. Car entre-temps, des manœuvres s’étaient mises en place dans les couloirs du ministère de la Culture pour empêcher la tenue de cette Assemblée Générale.
C’est à ce moment précis qu’entre en scène Philippe Bokoula, chargé de mission au ministère des Arts, de la Culture et du Tourisme. Proche de Dany Ngarasso, Bokoula va jouer un rôle déterminant dans le blocage du processus électoral. Utilisant sa position administrative, il va organiser une intervention du ministère qui pose de sérieuses questions juridiques et éthiques.
Philippe Bokoula rédige personnellement une note administrative qui va changer la donne. Ce document, qu’il fait ensuite signer le 25 août dernier par Albertine Ouaboua, Directrice Générale des Arts et de la Culture, stipule que seul Dany Ngarasso est habilité à convoquer une Assemblée Générale de l’UMC. Cette note administrative bloque de facto l’organisation des élections prévues et conforte la position de l’intérimaire.
La manœuvre est habile mais juridiquement contestable. En rédigeant lui-même le document qu’il fait ensuite avaliser par sa collègue, Philippe Bokoula transforme une position personnelle en décision administrative officielle. La directrice générale ne fait qu’apposer sa signature sur un texte préparé par son collègue, sans qu’on puisse déterminer si elle mesure pleinement les implications de cet acte.
Plus inquiétant encore, en intervenant de cette manière dans les affaires internes de l’UMC, le ministère de la Culture outrepasse clairement ses prérogatives légales. L’Union des Musiciens de Centrafrique est une association officiellement reconnue par l’État centrafricain. Mais cette reconnaissance relève du ministère de l’Administration du territoire et avalisée par celui du plan , qui sont les seules tutelles compétentes en matière associative.
Le ministère de la Culture, quant à lui, n’est qu’un partenaire institutionnel de l’UMC. Il peut collaborer avec l’association, la soutenir dans ses projets, participer à ses activités, mais il n’a aucune base légale pour intervenir dans sa gouvernance interne. Cette distinction n’est pas qu’une subtilité administrative : elle correspond à une répartition claire des compétences établie par les textes législatifs et réglementaires.
En s’immisçant dans le processus électoral de l’UMC, le ministère de la Culture viole le principe de l’autonomie associative. Il usurpe les prérogatives d’autres administrations et crée un précédent dangereux qui pourrait autoriser n’importe quel ministère à s’immiscer dans la vie interne des associations sous prétexte de partenariat.
Face à cette intervention qu’ils jugent illégale, les artistes centrafricains ont adopté une position ferme et unanime. Malgré la pression administrative exercée par le ministère de la Culture, ils refusent catégoriquement de reconnaître sa légitimité à intervenir dans leurs affaires associatives. Ils rappellent avec force que leur organisation ne relève pas de la tutelle de ce ministère et que cette ingérence constitue une violation manifeste de leurs droits.
Forts de cette conviction, les musiciens ont décidé de passer outre les interdictions administratives et de maintenir leur projet d’Assemblée Générale. Ils ont reprogrammé cette consultation pour ce samedi 30 août 2025, défiant ainsi ouvertement une administration qu’ils accusent de dépasser ses prérogatives. Cette décision témoigne de leur détermination à reprendre le contrôle de leur organisation, quitte à affronter les autorités qui tentent de les en empêcher.
Derrière les formulations administratives évoquant de prétendues “divisions entre artistes”, la réalité est bien différente. Il n’y a pas deux camps en conflit au sein de l’UMC, pas plus qu’il n’y a une guerre fratricide entre musiciens. La situation est beaucoup plus simple : un homme, Dany Ngarasso, refuse de quitter un poste qu’il occupe sans légitimité depuis bientôt quatre ans, et il bénéficie pour cela du soutien actif de Philippe Bokoula , chargé de mission au ministère de la Culture.
Cette complicité entre Ngarasso et Bokoula éclaire d’un jour nouveau l’intervention du ministère. Il ne s’agit pas d’une décision administrative prise dans l’intérêt général ou pour résoudre un conflit. Il s’agit d’un service rendu par un fonctionnaire à son ami, au mépris des règles de droit et de l’éthique administrative.
Cette situation pose des questions graves sur l’impartialité de l’administration publique. Comment un chargé de mission peut-il utiliser sa position pour favoriser ses relations personnelles ? Comment peut-il rédiger des documents officiels dans le seul but de protéger un proche ? Comment l’administration peut-elle cautionner de telles pratiques ?
Pendant ce temps, les textes fondamentaux de l’UMC continuent d’être bafoués de manière délibérée. Les statuts de l’association sont pourtant clairs et ne prêtent à aucune interprétation :
En cas de vacance du poste de président, le vice-président assure automatiquement l’intérim. Cette disposition vise à assurer la continuité de l’institution sans rupture ni vide institutionnel.
Cet intérim ne peut en aucun cas excéder 45 jours calendaires. Cette limitation temporelle est fondamentale : elle évite que l’intérim ne se transforme en présidence déguisée et garantit le renouvellement démocratique des instances.
Au terme de ces 45 jours, une nouvelle Assemblée Générale Élective doit impérativement être organisée. Cette obligation n’est pas facultative : elle s’impose au président intérimaire qui ne peut s’y soustraire.
En refusant d’appliquer ces dispositions statutaires, Ngarasso viole les règles fondamentales de son association. Mais il va plus loin encore : il bafoue les principes démocratiques qui régissent le fonctionnement associatif en République centrafricaine.
Nous voici donc en 2025, et la situation perdure dans l’indifférence administrative la plus totale. Ngarasso occupe toujours le poste de président de l’UMC, fort de la protection administrative que lui assure Bokoula. Trois ans et demi se sont écoulés depuis l’expiration de son mandat intérimaire. Trois ans et demi pendant lesquels l’association fonctionne avec un dirigeant illégitime, en violation permanente de ses propres statuts.
Cette durée n’a rien d’anecdotique. Elle démontre que nous ne sommes plus dans le cadre d’un simple dépassement de délai, mais bien face à une confiscation délibérée et organisée d’une institution collective. Elle montre aussi la passivité complice des autorités administratives qui laissent perdurer une situation manifestement irrégulière.
Face à cette confiscation de leur organisation représentative, les artistes centrafricains ne restent pas passifs et multiplient les initiatives pour faire entendre leur voix. Ils multiplient les démarches pour dénoncer cette situation et réclamer l’organisation d’élections libres, inclusives et transparentes.
Leurs revendications sont légitimes et mesurées. Ils ne demandent rien d’extraordinaire : simplement le respect des statuts de leur association et l’application des règles démocratiques les plus élémentaires. Ils rappellent que l’UMC ne constitue pas la propriété privée de Ngarasso ou de ses soutiens politiques, mais appartient à l’ensemble des musiciens du pays.
Ces artistes soulignent aussi les conséquences concrètes de cette crise institutionnelle. Sans direction légitime, l’UMC peine à défendre efficacement les intérêts de ses membres. Elle ne peut pas non plus développer les partenariats et les projets dont la profession a besoin pour se structurer et se développer.
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