Vakaga : L’ancienne préfète Denise Madina Duekoe accuse Bangui d’abandonner sa population aux bandits soudanais

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Vakaga : L’ancienne préfète Denise Madina Duekoe accuse Bangui d’abandonner sa population aux bandits soudanais

 

Denise Madina Duekoe, l'ancienne Préfète de l'Ombella-Mpoko
Denise Madina Duekoe, l’ancienne Préfète de l’Ombella-Mpoko

 

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.

 Denise Madina Duekoe , ancienne haute fonctionnaire centrafricaine dénonce l’inaction du gouvernement centrafricain face aux violences transfrontalières qui paralyse toute la Vakaga.

 

Denise Madina Duekoe sort de son silence. Cette ancienne préfète, aujourd’hui résidante en France, accuse directement le gouvernement centrafricain d’avoir abandonné les habitants de la Vakaga aux mains de groupes armés venus du Soudan voisin. Sa charge est sans appel : l’État a désarmé les populations locales sans leur offrir de protection en retour.

“Depuis toujours, la Vakaga a été une préfecture qui vit dans l’insécurité”, rappelle cette femme qui connaît intimement les rouages de l’administration centrafricaine. Son parcours professionnel,  sous-préfète, préfète, puis conseillère culturelle  à notre ambassade au Congo, lui confère une légitimité particulière pour analyser la situation de cette région frontalière du Soudan et du Tchad.

 

Native de Birao, elle évoque une époque où les communautés locales assuraient leur propre défense. Sous la présidence d’André Kolingba, des formateurs britanniques avaient même contribué à former les pisteurs du PDRN chargées de protéger la faune et d’assurer la sécurité. “À cette époque les Arabes soudanais n’osaient pas venir déranger les gens dans cette préfecture comme aujourd’hui”, affirme-t-elle, établissant un contraste saisissant avec la situation actuelle.

 

En plus de cela, il y’a un autre point qui a créé ce problème. L’ancienne préfète a également expliqué qu’auparavant, il y’a quelques années,  l’État soudanais avait négocié avec Bangui pour obtenir la délimitation d’un espace libre destiné à l’élevage au Nord-est de la Vakaga. Cette zone, riche en ressources naturelles, notamment pétrolières, attise les convoitises. Les lacs Gatta, Maka et Tadraka sont particulièrement prisés par les éleveurs soudanais et des Émirats arabes unis, car le bétail qui y broute développe une résistance aux maladies et produit des gestations doubles. Ce qui a poussé des nombreux éleveurs arabes soudanais à franchir la frontière pour venir massivement sur le territoire centrafricain. Mais aujourd’hui, cette situation crée de souci à la population de Vakaga qui voit arriver massivement les éleveurs arabes soudanais sans contrôle.

 

Mais hors mis tout cela, le tournant décisif s’est produit après les élections de 2016. Dans le cadre des efforts de “cohésion sociale”, les autorités ont procédé au désarmement des jeunes formés localement.

 

“Mais si le gouvernement désarme une population, il devrait être en mesure de protéger cette même population exposée aux bandits de tout genre qui peuvent franchir la frontière”, insiste Mme Denise Madina Duekoe.

 

Cette politique s’est avérée désastreuse. Les incursions de groupes armés soudanais se sont multipliées, touchant toutes les sous-préfectures de la Vakaga, notamment  Ouandja, Voukouma, Redina et Amdafock. “On vient chaque fois tuer les pauvres habitants de la Vakaga”, déplore l’ancienne préfète, qui utilise une métaphore saisissante : “On les laisse à la merci des criminels qui viennent les tuer comme des poulets”.

 

L’ancienne préfète dénonce également une asymétrie choquante dans le traitement des victimes. Selon elle, lorsque les forces d’autodéfense locales ou les soldats centrafricains parviennent à neutraliser un assaillant soudanais au cours d’un affrontement, la réaction des arabes soudanais est immédiate et disproportionnée.

 

En plus de cela, “quand ils tuent nos concitoyens, personne ne leur demande de payer, mais eux, si par hasard un Arabe est tué dans l’échange, ils arrivent en masse avec des véhicules lourdement armés pour venir réclamer le paiement de leurs morts”, explique-t-elle avec amertume. Cette pratique traduit, selon Mme Duekoe, un rapport de force déséquilibré où les groupes soudanais se comportent comme s’ils avaient autorité sur les populations locales. “Ils prennent les gens comme leurs esclaves“, s’indigne-t-elle, attribuant cette attitude à l’absence d’autorité étatique effective dans la région, une faiblesse que ces groupes exploitent pour imposer leur loi.

 

La présence de réfugiés soudanais dans la ville de Birao et autres complique encore la situation. Depuis avril 2023, la RCA a accueilli plus de 28 000 réfugiés, dont 20 000 enregistrés biométriquement, principalement dans des localités reculées de la Vakaga. Mme Denise Madina Duekoe  accuse certaines autorités locales de complicité avec ces réfugiés et réclame leur relocalisation. “Ils sont trop proches de la population et ils commettent des exactions sur les autochtones”, affirme-t-elle.

 

La frustration des habitants se heurte à de nouveaux obstacles. Leurs demandes d’autorisation pour manifester restent sans réponse, ce qui prive la population de son droit d’expression. Cette situation nourrit un sentiment d’abandon et de méfiance envers les autorités.

 

L’ancienne préfète Denise Madina Duekoe  établit des comparaisons peu flatteuses pour son pays. “Je prends l’exemple du Tchad et du Soudan. Ils ont leur propre armée qui protège les frontières. Personne ne peut entrer n’importe comment dans ces pays”, observe-t-elle. Cette comparaison souligne l’incapacité de l’État centrafricain à sécuriser ses frontières, malgré la présence de la MINUSCA.

Les chiffres confirment la gravité de la situation. En 2024, 913 000 personnes dans la région nord de la RCA sont considérées comme particulièrement vulnérables. Les violences basées sur le genre augmentent, aggravées par la crise prolongée. Les attaques contre les Casques bleus se multiplient également, comme celle du 20 juin 2025 à Am-Sissia, où un soldat zambien a été tué.

 

Mme Denise Madina Duekoe  soupçonne le gouvernement de tirer profit de cette violence. “Que ce que le gouvernement touche dans cette violence ? Quel bénéfice il en tire ?”, s’interroge-t-elle.

 

La déclaration de l’ancienne préfète Denise Madina Duekoe  intervient à un moment charnière. Alors que la RCA se prépare aux élections générales de décembre 2025, la situation dans la Vakaga constitue un test pour la crédibilité du gouvernement. Les habitants de cette région marginalisée attendent des réponses concrètes à leurs préoccupations sécuritaires.

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