31 ans après le génocide rwandais : la MINUSCA prêche-t-elle dans le vide en Centrafrique ?

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31 ans après le génocide rwandais : la MINUSCA prêche-t-elle dans le vide en Centrafrique ?

 

31 ans après le génocide rwandais : la MINUSCA prêche-t-elle dans le vide en Centrafrique ?

 

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.

 Le vendredi dernier, la MINUSCA a organisé une cérémonie au siège de sa mission à Bangui pour marquer le 31ᵉ anniversaire du génocide des Tutsis au Rwanda. Hommages vibrants, discours émouvants, appels à la vigilance : tout y était. Mais dans une République centrafricaine où les discours de haine prospèrent, souvent portés par les plus hautes sphères du pouvoir, on peut se demander si ces commémorations ne sont qu’une façade pour cacher l’inaction face à une dérive inquiétante. La Centrafrique serait-elle en train de devenir un “petit Rwanda”, comme certains le murmurent, où l’on célèbre la mémoire des victimes tout en fermant les yeux sur les germes de la violence ?

 

Un discours, mais à qui s’adresse-t-il vraiment ?

 

Valentine Rugwabiza, cheffe de la MINUSCA, a livré un plaidoyer poignant, saluant le courage des survivants rwandais et appelant à “rejeter la haine et la stigmatisation”. Des mots justes, mais qui sonnent creux quand on observe le contexte centrafricain. Pendant que la MINUSCA exhorte la société civile à la réconciliation, les autorités du pays, assises au premier rang de la cérémonie, échappent curieusement à toute critique directe. Pourtant, ce sont elles qui, trop souvent, attisent les flammes de la division.

 

Prenons un exemple concret : il y a deux ans, Fidèle Gouandjika, ministre-conseiller du président Touadéra, déclarait publiquement sur les réseaux sociaux en direct que toute tentative de coup d’État entraînerait un “génocide”, avec des menaces explicites contre les diplomates et les civils. Des propos d’une gravité extrême, qui n’ont suscité ni sanction, ni réprobation officielle. Pas un mot de la MINUSCA à ce sujet. Pas un doigt levé pour rappeler que de tels discours sont le terreau des tragédies comme celle du Rwanda en 1994. Pourquoi ce silence ? Pourquoi cette complaisance face à des déclarations qui devraient alarmer une mission onusienne dédiée à la prévention des conflits ?

 

La haine, une affaire d’État ?

 

En Centrafrique, les appels à la violence ne se limitent pas à une seule voix. Des figures du régime, des relais médiatiques proches du pouvoir, et même certains griots n’hésitent pas à brandir la rhétorique de la peur et de la répression. On parle de “broyer les tibias” de ceux qui osent manifester pour réclamer de l’eau, de l’électricité ou simplement le droit de vivre dignement. Ces mots ne viennent pas de la rue, mais de cercles influents, de ceux qui détiennent les rênes du pays. Et que fait la MINUSCA ? Elle organise des séminaires sur la cohésion sociale, distribue des messages génériques contre la haine, et évite soigneusement de pointer du doigt les véritables responsables.

 

La cérémonie de la semaine dernière a mis en lumière cette hypocrisie. Pendant que des survivants rwandais partageaient leurs récits déchirants, rappelant comment des mots ont conduit à des massacres, les officiels centrafricains présents hochaient la tête, applaudissaient, puis rentraient chez eux sans jamais être interpellés sur leurs propres dérives. La MINUSCA parle de prévention, mais où est la fermeté face à un pouvoir qui tolère, voire encourage, des discours toxiques ? Où est l’appel clair à la responsabilité des élites, qui devraient donner l’exemple plutôt que de jouer avec le feu ?

 

Un parallèle troublant avec le Rwanda

 

Le parallèle avec le Rwanda n’est pas anodin. En 1994, ce ne sont pas seulement des machettes qui ont tué plus d’un million de personnes en trois mois. Ce sont des années de propagande, de discours banalisant la violence, et d’une communauté internationale qui a détourné le regard. En Centrafrique, les ingrédients sont là : une population fragilisée par des années de crise, des tensions communautaires exacerbées, et des leaders qui, au lieu d’apaiser, choisissent parfois de diviser pour mieux régner. Quand un ministre menace de “tuer tout le monde” sans conséquence, quand des appels à la répression violente deviennent monnaie courante, comment ne pas voir les signaux d’alarme ?

 

La MINUSCA insiste sur le rôle des éducateurs et des médias dans la lutte contre la haine. C’est louable, mais c’est aussi détourner l’attention du cœur du problème. Ce ne sont pas les enseignants ou les journalistes de base qui fixent le ton du débat public. Ce sont les dirigeants, les conseillers, les décideurs. Si la mission onusienne veut être crédible, elle doit cesser de ménager les puissants et nommer les choses : les discours de haine en Centrafrique ne sont pas un vague phénomène populaire, ils sont souvent organisés , tolérés, ou amplifiés par ceux qui devraient être les premiers garants de la paix.

 

Et maintenant ?

 

Commémorer le génocide rwandais est essentiel, mais cela ne peut se limiter à des bougies et des discours. En Centrafrique, la mémoire des victimes devrait être un électrochoc, un rappel que la tragédie n’est jamais loin quand on laisse la haine s’installer. La MINUSCA a les moyens de faire plus : elle pourrait exiger des comptes, publiquement dénoncer les dérives, et mettre la pression sur un gouvernement qui, pour l’instant, semble trop à l’aise dans l’ambiguïté.

 

Tant que les responsables des discours incendiaires,  qu’ils soient ministres, conseillers ou relais du pouvoir,  ne seront pas confrontés à leurs paroles, les belles intentions de la MINUSCA resteront des vœux pieux. La Centrafrique n’est pas encore un Rwanda, mais ignorer les signaux, c’est jouer avec l’histoire. Et l’histoire, elle, ne pardonne pas l’aveuglement….

 

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