Voici la réponse de Faustin-Archange Touadera aux centrafricains qui critiquent son bilan en 9 ans, et il est clair

Par la rédaction de Corbeau News Centrafrique, CNC.
Dans son discours prononcé le 30 mars 2025 à l’occasion du quatrième anniversaire de son second mandat, le président centrafricain Faustin Archange Touadéra dit Baba Kongoboro a choisi de s’adresser directement à tous les centrafricains qui critiquent son bilan très nul. Parmi les nombreuses déclarations de cette allocution fleuve, une phrase en particulier attire l’attention : “A tous ceux qui, de mauvaise foi ou par pure démagogie, prétendent que nous n’avons rien fait pour développer le pays”. À première vue, cette réplique pourrait sembler une simple mise au point, un sursaut d’orgueil d’un dirigeant confronté à des critiques. Mais à y regarder de plus près, elle pose une question fondamentale : cette défense est-elle une réponse sincère aux inquiétudes des Centrafricains, ou une tentative habile de discréditer ses adversaires sans réellement affronter les faits ?
Une rhétorique de diversion
En qualifiant ses critiques de “mauvaise foi” ou de “démagogie”, Touadéra ne se contente pas de rejeter leurs arguments ; il les disqualifie d’emblée comme illégitimes. Cette stratégie rhétorique n’est pas nouvelle dans les sphères politiques, mais elle est particulièrement révélatrice dans un pays comme la RCA, où les défis structurels : insécurité persistante, accès limité à l’énergie et à l’eau potable, économie fragile, restent criants malgré neuf années de présidence. Plutôt que de s’engager dans un débat factuel, le président opte pour une attaque préemptive qui détourne l’attention des véritables enjeux. Qui sont ces critiques ? Quels sont leurs arguments précis ? Le discours reste muet sur ces points, laissant planer le doute : s’agit-il d’une opposition politique organisée, de voix dissidentes dans la société civile, ou simplement d’un bouc émissaire commode ?
Cette approche n’est pas sans rappeler une tactique bien connue: lorsque les résultats concrets peinent à convaincre, mieux vaut mettre en cause l’intention de ceux qui osent poser les questions. En invoquant Warren Buffet plus loin dans son discours, “Il faut 20 ans pour construire une république et cinq minutes pour la détruire”, Touadéra semble suggérer que les avancées, si lentes soient-elles, méritent indulgence. Mais cette citation, bien qu’élégante, ne répond pas à une interrogation légitime : après quatre ans de ce mandat et neuf ans au pouvoir, où sont les preuves tangibles d’un développement qui transformerait le quotidien des Centrafricains ?
Des avancées revendiquées, mais à quel prix ?
Le président ne manque pas de lister des réalisations dans son discours : recrutement de dizaines de milliers de jeunes dans les forces de sécurité, passage de 37 à 100 mégawatts de capacité énergétique à Bangui entre 2016 et 2024, ou encore une couverture en eau potable passée de 32 % à 47 % sur la même période. Ces chiffres, présentés comme des succès, ne sont pas négligeables dans un contexte de reconstruction post-conflit. Pourtant, ils pose autant de questions qu’ils n’apportent de réponses. Si 100 mégawatts ont été atteints, pourquoi les coupures d’électricité restent-elles une réalité quotidienne pour tant de foyers à Bangui ? Si l’accès à l’eau a progressé, pourquoi les foyers centrafricains manquent totalement de l’eau en 2025 ?
Touadéra lui-même admet des lacunes, notamment sur l’énergie, qu’il décrit comme un secteur négligé “depuis au moins quarante ans”. Cette mise en perspective historique est intéressante, mais elle élude une vérité inconfortable : ces quarante ans incluent ses propres neuf années à la tête de l’État. En pointant du doigt un passé collectif, il dilue sa propre responsabilité, laissant entendre que les problèmes sont trop profonds pour être résolus en un ou deux mandats. Mais alors, pourquoi rejeter si catégoriquement ceux qui “prétendent que nous n’avons rien fait” ? N’y a-t-il pas une part de vérité dans leur frustration, surtout lorsque les progrès, bien qu’existants selon le régime, restent insuffisants face à l’ampleur des besoins ?
L’opposition dans le viseur
Un autre aspect de cette déclaration est ce qu’elle ne dit pas. En dénonçant une “mauvaise foi” et une “démagogie”, Touadéra semble viser l’opposition démocratique, qu’il salue par ailleurs dans son discours pour son rôle dans le pluralisme politique. Cette ambivalence est frappante : d’un côté, il tend la main à des groupes comme le Bloc Républicain pour la Défense de la Constitution (BRDC) en acceptant leur demande de dialogue politique ; de l’autre, il les met en garde contre toute “menace à peine voilée” de déstabilisation. Cette double posture laisse entrevoir une stratégie plus calculée qu’il n’y paraît : louer l’opposition en théorie, tout en la neutralisant en pratique par des accusations vagues et des appels à l’unité nationale.
Le silence sur les griefs spécifiques de ces critiques est tout aussi révélateur. S’agit-il de dénoncer l’insécurité persistante dans certaines provinces, où les conflits entre agriculteurs et éleveurs, exacerbés par le changement climatique, continuent de faire des victimes ? Ou peut-être la dépendance aux partenaires internationaux, glorifiée dans le discours, mais qui soulève des questions sur la souveraineté réelle de la RCA ? En n’identifiant pas clairement ces voix dissidentes ni leurs arguments, Touadéra évite un débat de fond qui pourrait exposer des failles dans son bilan.
Une défense qui interroge la gouvernance
Au-delà de la rhétorique, cette phrase traduit une certaine conception de la gouvernance. En se positionnant comme un leader incompris face à des adversaires mal intentionnés, le président risque de fermer la porte à une critique constructive, pourtant essentielle dans une démocratie qu’il dit vouloir consolider. La RCA, sortie d’années de crises militaro-politiques, a besoin d’un dialogue ouvert, pas d’un monologue où les doutes sont balayés d’un revers de main. Si Touadéra affirme que “la liberté d’expression, garantie par la Constitution, n’est pas absolue”, il pourrait donner l’impression que les limites qu’il impose servent davantage à protéger son pouvoir qu’à préserver la stabilité du pays.
En fin de compte, cette déclaration, “A tous ceux qui, de mauvaise foi ou par pure démagogie, prétendent que nous n’avons rien fait pour développer le pays”, n’est pas une simple réplique dans un discours fleuve. Elle est un miroir des tensions qui traversent la présidence de Touadéra à l’approche de la fin de son mandat. Plutôt que de démontrer par des faits irréfutables que les critiques sont infondées, elle préfère les rejeter en bloc, laissant au peuple centrafricain le soin de trancher : s’agit-il d’une défense légitime d’un bilan sous-estimé, ou d’une esquive habile face à des vérités dérangeantes ? Neuf mois avant les prochaines élections, cette question mérite plus qu’une phrase lapidaire – elle exige des réponses claires et un débat véritable….
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